L'ultime prophétie
foyer et de murmurer quelques mots. En un clin
d'oeil, des flammes vives s'élevèrent, comme si elles flambaient là depuis des
heures.
Tom retint un cri de surprise. Archer jeta un regard
par-dessus son épaule.
— Je me demandais simplement si j'en étais encore capable.
Il semblerait que oui.
Tom s'accroupit près de lui.
— Vous possédez des pouvoirs magiques ?
— J'en avais bien d'autres, bien plus grands que celui-ci,
autrefois. Après la grande guerre, ils ont disparu. Non pas qu'ils m'aient
beaucoup manqué. Je suis capable de faire un feu sans m'en servir. Je puis faire
bien des choses sans ces savoirs anciens. Cela faisait sans doute partie de ma
punition.
— Peut-être.
— Ou peut-être le monde change-t-il aujourd'hui si bien
que la magie redevient plus puissante.
— Je pensais que les Ilduins seules pouvaient accomplir de
telles choses.
Archer soupira et s'installa en tailleur sur le sol froid du
désert.
— Elles ont toujours possédé la magie la plus puissante.
Mais dans les premiers temps, nombre d'entre nous disposaient de pouvoirs
mineurs. Des pouvoirs qui ont contribué à nous conduire au désastre.
— Que pouvez-vous faire d'autre ?
— Je ne sais pas et je ne suis pas sûr de vouloir le
savoir. Tu comprends, Tom, que si le monde change de sorte que mes pouvoirs ont
commencé à réapparaître, ceux de mon frère reviendront également.
Tom frissonna une nouvelle fois.
— Quels pouvoirs possédait-il jadis ?
— As-tu jamais rencontré quelqu'un dont les paroles
étaient capables de te faire croire tout ou presque ?
— Non, pas vraiment. J'ai connu des personnes dont la
capacité de persuasion était grande mais elles n'auraient pu me faire perdre la
raison.
— Ardred pourrait te convaincre que le ciel est vert s'il
en avait le caprice.
Tom retourna cette remarque dans sa tête plusieurs fois,
tentant d'en comprendre la portée.
— Et vous ? N'étiez-vous pas capable de la même chose ?
— Non. Les dieux savent que j'ai eu tout le temps d'y
penser depuis : le pouvoir d'Ardred a eu sa part dans la division de notre peuple
et nos cités mais je ne suis pas sûr que l'issue aurait été très différente
sans lui. Les Premiers Nés étaient pétris de défauts par essence.
— Comment cela ?
La bouche d'Archer se tordit en une grimace et il prit un
bâton afin d'attiser le feu. Des étincelles voletèrent vers le ciel d'un noir
d'encre. Un éclair traversa soudain ce ciel, expliquant l'absence d'étoiles. De
la pluie dans le désert le plus aride des terres anari ? Etonnant.
— Eh bien, dit Archer lentement, je me suis laissé
entraîner dans cette guerre contre mon frère, au détriment de tout mon peuple.
Certains hommes ont rallié les deux camps. N'est-ce pas là preuve de nos
faiblesses ? Nous avions d'autres défauts, moins graves, mais qui n'en
restaient pas moins des défauts.
— D'où la création des Anari.
— D'où la création des Anari.
Tom fixa les flammes qui brûlaient joyeusement, essayant
d'imaginer tous les événements qui avaient dû mener à cette tentative de créer
une race d'hommes parfaite. Comme il devait être terrible de devoir faire la
guerre à son propre frère ! Pouvait-il se représenter même une infime partie
des horreurs qu'Archer avait traversées ?
Des horreurs qui ont dû le changer , murmura une
petite voix dans sa tête. Des horreurs qui l’ont conduit à écrire le texte
que tu viens de lire. Ce poème n'est-il pas un aperçu de la véritable nature de
l'âme de cet homme ?
Tom fut parcouru d'un nouveau frisson, tel un souffle de
vent glacé sur des feuilles mortes. Il n'était guère rassuré par la direction
que prenaient ses pensées.
— Si votre frère et vous recouvrez vos pouvoirs,
qu'arrivera-t-il à ceux d'entre nous qui n'en ont aucun ?
Les yeux gris d'Archer, où se reflétait étrangement la danse
des flammes, se posèrent sur Tom.
— J'aimerais bien avoir une réponse à te donner, prophète.
Mais je ne puis voir dans l'avenir. Si j'avais reçu le don de prophétie, aucun
des fléaux qui ont affligé les Premiers Nés ne se serait produit, peut-être. En
tout cas, je n'y aurais pas contribué.
Il se détourna et regarda le feu.
— Thériel..., murmura-t-il. Ma Thériel. La première Dame
Blanche, à l'âme et au cœur si purs. Elle nous avait avertis. Elle m'avait
averti. Elle m'a supplié de ne pas
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