L'ultime prophétie
vers Malchi, qui se tordait de douleur
sur le sol poussiéreux, comme si elle voulait apposer ses mains sur ses blessures,
mais Annuvil l'en empêcha.
— Non, ma dame. Vous ne le devez pas. Votre sang l'a jugé.
Personne ne peut plus le sauver désormais. Vous ne feriez que saigner
davantage.
Elle se détourna vivement et se couvrit les oreilles,
cherchant à fuir cette scène atroce, à ne plus entendre ces cris.
Alezzi fut éberlué de voir que les gouttes de sang qui
tombaient sur le sable du désert se changeaient en petites fleurs bleues. Les
hurlements de Malchi faiblirent puis cessèrent. Il constata également que là où
le sang de Tess tomba sur Annuvil, il ne brûla pas. Le sang de cette femme
jugeait donc. Il comprit alors qu’elle était réellement celle qu'ils lui
avaient annoncée.
Jamais au cours de son existence, il ne s'était incliné
devant quiconque, à l'exception de l'empereur.
Il se prosterna cependant devant l'Ilduin. Il avait eu
toutes les preuves dont il avait besoin.
Annuvil lui fit un signe de la tête puis prit Tess dans ses
bras, couvrant son corps tremblant de son manteau noir et la serrant contre lui
comme s'il pouvait effacer son chagrin par sa seule étreinte.
— Vous ne l'avez pas voulu, ma dame, murmura- t-il. Vous
n'avez pas choisi ceci. Malchi n'est pas mort sous l'effet de votre volonté
mais de la sienne. Vous l'aviez mis en garde.
Elle était à présent secouée de sanglots.
— Pourquoi une telle malédiction pèse-t-elle sur moi ?
— Vous devez être protégée jusqu'à la défaite de l'Ennemi.
C'est pourquoi votre sang est juge. Et il jugera, que vous le vouliez ou non,
quiconque cherchera à vous faire du mal. Il ne vous protège pas dans votre seul
intérêt mais pour le bien de nous tous.
Elle leva un visage baigné de larmes vers lui, cherchant ses
yeux. Alezzi vit, pour son plus grand étonnement, que la blessure de sa joue
avait déjà disparu, ne laissant qu'une fine et élégante cicatrice.
— Quelle est ton opinion maintenant, mon cousin ?
Alezzi se redressa.
— Je dis que nous devons parler. Et que je suis tout à
fait prêt à t'écouter.
Alezzi commença d'abord par ordonner l'enterrement de Malchi
et fit pour cela appeler une unité de ses hommes, restés en haut de la colline.
Il insista néanmoins pour refuser le plus petit honneur militaire au défunt. Si
quiconque parmi ses légionnaires pensait désobéir à ses ordres, le message
d'avertissement serait clair.
Les officiers les plus gradés des deux camps furent appelés
et bientôt, une dizaine d'hommes, blancs et noirs, furent réunis, face à face,
certains assis sur des tabourets ou sièges de camp, d'autres sur des rochers. Denza
Grundan, l'officier promu par Tuzza, servait une fois de plus de pont entre
deux rives.
La méfiance des commandants d'Alezzi était manifeste dans chaque
geste et chaque regard. Ils dévisageaient Tuzza, Odetta et Denza avec un
sentiment proche du mépris et Ratha et Jenah avec une haine évidente.
Mais Alezzi était suffisamment respecté par ses hommes pour
qu'ils ouvrissent les oreilles, si ce n'était leur cœur, à la discussion.
Tuzza faisait face aux officiers de son cousin, en position
d'orateur. Son attitude visait à leur montrer qu'il ne sollicitait que leur
attention. Aucun Bozandari ne pouvait la lui refuser.
— Vous vous demandez, dit-il aux hommes d'Alezzi, de quoi
nous parlons ici, et pourquoi ma légion se trouve en ordre de bataille sur ces
collines, en compagnie des Anari. Contre vous.
Des murmures d'assentiment lui répondirent.
— Nous ne sommes pas contre vous, mes frères. Sauf si nous
y sommes obligés. Nous avons une mission importante, plus importante qu'aucune
jamais entreprise par une armée bozandari. Nous connaissons tous les conquêtes
que nous avons faites au cours des années. L'histoire que nous transmettons à
nos enfants évoque moult récits glorieux.
Derechef, des murmures d'approbation accueillirent ses
paroles.
— Il n'existe pas de soldat de Bozandar qui ne puisse
tenir la tête haute à la mémoire de ceux qui l'ont précédé. Il n'existe pas de
soldat de Bozandar qui ne ressente un profond engagement envers l'empereur,
l'empire et notre peuple. Chacun de nous est prêt à mourir au nom de cet
engagement.
Des hochements de tête suivirent ces mots. Mais les visages
continuaient de refléter la perplexité.
Tuzza leva la main et désigna ceux qui se
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