L'ultime prophétie
demanda
l'un des soldats.
— Ma parole ne vous suffit-elle pas ? repartit simplement
Tuzza.
Tous connaissaient la réputation de Tuzza et son influence
mais on leur demandait de commettre un acte qui pourrait s'avérer une trahison.
La loyauté qu'ils devaient à l'empereur exigeait qu'ils mourussent plutôt que
de permettre pareille chose.
Beaucoup parurent presque convaincus par les arguments de Tuzza
mais franchir la dernière étape était trop difficile. Ils hésitèrent. Ce fut
alors que l'un d'eux poussa un cri en montrant un point à l'ouest.
Etincelant, dans la lumière dorée de l'après-midi, du blanc
immaculé de la créature de légende qu'il était, un loup des neiges courait vers
eux. Il traversa la plaine à la vitesse du vent ; tous le contemplaient,
incrédules et admiratifs à la fois. Des soupirs émerveillés échappèrent à
plusieurs soldats. Seul un homme songea à sortir son épée ; il fut arrêté par
Alezzi.
— Attends, dit-il. J'ai déjà vu un miracle aujourd'hui. Un
second ne me déplairait pas.
Le loup ne ralentit qu'une fois arrivé à quelques mètres du
groupe. Puis il avança au pas. Ses yeux dorés témoignaient d'une sagesse
ancestrale.
Il s'arrêta enfin près de Tess et s'appuya contre son siège.
Elle se pencha et plongea les doigts dans son épaisse fourrure blanche. Puis
elle regarda autour d'elle.
— Voulez-vous une preuve supplémentaire ?
— Ce n'est pas un chien, dit l'un des Bozandari.
— Non, dit un autre. C'est bien le Loup des Neiges. J'en
ai vu un une fois quand j'étais enfant dans la forêt du nord mais je pensais
qu'ils avaient tous disparu depuis.
— Pas encore, dit Tess. Que voulez-vous de plus ? Dites-le
moi et j'essaierai de vous satisfaire. Voulez- vous que je change en verre le
sable sous vos pieds ? Voulez-vous que je provoque un coup de tonnerre dans le
ciel ?
— Tess, lui dit Archer à l'oreille. Vous ne devez pas
utiliser vos pouvoirs pour une simple démonstration. Ces hommes doivent croire
à ce qu'ils feront et non être forcés à le faire par crainte.
Elle baissa la tête, puis approuva sa remarque d'un signe.
— Laissons-les décider, dans ce cas.
Elle se leva et les regarda un à un.
— J'en ai assez des conseils de guerre, de tenter de
convaincre des hommes de faire ce qui est juste et bien. Si vous ne voulez pas
voir la vérité en face, alors peut-être méritez-vous ce qui vous arrivera.
Sur ces entrefaites, elle leur tourna le dos et se dirigea
vers la colline. Le Loup des Neiges marchait à ses côtés.
20.
Dans l'ensemble, Tess était satisfaite. Les Loups des Neiges
avaient passé les deux derniers jours en campement avec les Lions Noirs. Une
fois de plus, des tensions avaient vu le jour, certains des soldats d'Alezzi ne
pouvant accepter l'idée de marcher côte à côte avec les Anari. Alezzi avait
proposé d'amnistier et de libérer dans l'honneur de leurs obligations
militaires ceux qui se sentaient incapables de poursuivre la marche avec lui et
un homme sur dix peut-être s'en était prévalu.
Leurs effectifs totaux s'élevaient à près de huit mille
hommes et bien que les commandants doutassent qu'ils puissent se battre efficacement
de concert, Tess croyait qu'ils pourraient au moins marcher vers Bozandar dans
un semblant de paix. Plus ils passeraient de temps ensemble, à partager les
inévitables privations d'une armée en campagne, plus ils se rapprocheraient.
— Mes hommes ne souhaitent pas adopter votre étendard, ma
dame, dit Alezzi doucement, tout en observant les activités du camp.
— Les Loups des Neiges ne le voudraient pas de loute
façon, repartit Tess. Ils ont combattu ensemble, bien que dans des camps
séparés au cours de la bataille du défilé, et partagent le souvenir de ces
heures noires. Ils pourraient refuser d'accorder le droit de porter cet
étendard à des hommes qui n'ont pas encore été mis à l'épreuve.
Alezzi acquiesça.
— Vous parlez avec sagesse, ma dame. C'est peut- être
mieux ainsi. N'est-il pas préférable que nous foulions les terres de Bozandar
non pas comme une seule armée mais comme deux entités séparées, une pour chacun
de nos peuples, mais unies par le même objectif ?
Tess sourit.
— Oui-da, cela pourrait nous épargner bien des ennuis en
chemin. Je me demande cependant ce à quoi nous pouvons nous attendre, une fois
à proximité de la ville.
— Je ne pense pas à être accueilli
Weitere Kostenlose Bücher