L'ultime prophétie
sommet de la
colline, non loin de l'armée anari et des Bozandari qui s'étaient eux aussi
ralliés à l'étendard du Loup des Neiges. Cette alliance le stupéfiait et il se
sentait de plus en plus coupable de ce qui s'était produit pendant la révolte.
Il avait tué. Il avait vu son frère Ezinha, un Bozandari, mourir. L'absurdité
de la guerre ne lui avait jamais paru aussi manifeste.
Toutefois, des armées s'étaient rassemblées, sous la menace
d'un Ennemi plus puissant que Bozandar et d'une nouvelle guerre. Si c'était
aussi important, il prendrait les armes et se joindrait aux soldats ; pour
l'heure, il ne pouvait qu'espérer que cette guerre n'aurait pas lieu.
A ses côtés, sa mère pleurait toujours Ezinha de temps à
autre. Mihabi se sentait responsable de sa mort, bien qu'il ne fût pas à l'origine
des décisions que son frère de lait avait prises. Quant à son frère de sang...
ni lui ni sa mère Ialla n'avaient aucune idée de l'endroit où pouvait se
trouver Kelano. Il était probablement avec les soldats anari.
Des soldats anari. Cette idée, décidément, le déconcertait.
Son peuple avait toujours été si fier de son pacifisme. Aujourd'hui, il avait
pris les armes, non seulement contre l'esclavage mais aussi contre un Ennemi
plus menaçant. Il aurait voulu savoir qui était cet Ennemi. Peut-être était-ce
pour cette raison que Kelano avait disparu : pour en apprendre davantage sur
cette étrange alliance.
Sa mère se mit à sangloter de nouveau et Mihabi passa un
bras autour de ses épaules, lui offrant un réconfort silencieux, tout en sachant
que rien ne pouvait combler le vide dans son cœur.
Ce fut alors qu'il remarqua l'agitation qui régnait dans les
armées toutes proches. Une rumeur s'éleva et les soldats du Loup des Neiges se
redressèrent.
Mihabi regarda au bas de la colline puis se leva à son tour,
sous le choc. Il posa la main sur l'épée dont il avait usé pendant la révolte,
même si elle ne constituerait qu'une faible protection à présent.
Une légion sortait de la ville magnifique qui s'étendait à
leurs pieds, sous une bannière portant un grand symbole rouge. Il ne put pas
identifier formellement le symbole mais il aurait juré qu'il s'agissait de la
panthère rouge de la légion d'Owazzi. Il avait entendu dire qu'elle se
dirigeait vers Bozandar quelques jours avant que la révolte n'éclatât. Si les
troupes arrivaient trop tard pour empêcher les esclaves de prendre la fuite,
elles tenteraient peut-être de les récupérer.
Mihabi fit volte-face et regarda autour de lui. Depuis son
arrivée, les soldats avaient été à peine visibles. Mais à présent, comme s'ils
avaient reçu des ordres silencieux, ils se mettaient en rang, rendant ainsi
manifeste leur grand nombre à la légion de la vallée.
Celle-ci était en infériorité numérique. Un malaise certain
s'était cependant emparé des soldats du Loup des Neiges et du Lion Noir. Les
hommes se regardaient, soupçonneux, comme s'ils n'étaient pas certains de
pouvoir faire confiance à leurs alliés.
Ce fut à ce moment qu'une femme vêtue de blanc avança sur
une corniche à quelques pieds en dessous. Les murmures changèrent immédiatement
de ton.
— Soyez sans crainte, dit-elle d'une voix qui parut porter
au-delà de la colline, vers les montagnes. Ils n'attaqueront pas.
Comment pouvait-elle le savoir ? se demanda Mihabi. Comment
quiconque pourrait savoir pareille chose ?
Puis un homme tout de noir vêtu avança à son tour, bientôt rejoint
par un Bozandari et deux Anari.
Debout ensemble ainsi, ils ressemblaient à un mur, un mur
qui tournait le dos à la menace à leurs pieds.
Ils semblaient mépriser la légion de la Panthère Rouge. Comme s'ils savaient tous les cinq qu'elle n'était pas une véritable menace.
Mihabi se rassit lentement et les considéra. Sous ses pieds,
pour la première fois de sa existence, il sentait les rochers prendre vie. Il
poussa un cri de surprise et se tourna vers sa mère. Il vit un sourire dans ses
yeux emplis de larmes.
— Les montagnes sont avec nous, mon fils, dit Ialla. Tu
connais à présent ton véritable héritage.
Alezzi avait vu juste. Ils franchirent les grilles
extérieures du palais mais les interrogatoires se succédèrent alors avec des
membres de l'entourage de l'empereur. Tous voulaient connaître leurs
intentions. Tous voulaient trouver un prétexte pour empêcher Alezzi de voir son
cousin car ils craignaient pour leur rang au sein de la
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