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L'univers concentrationnaire

L'univers concentrationnaire

Titel: L'univers concentrationnaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Rousset
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Lorsque le scandale devint
excessivement public, les S.S. durent étouffer l’affaire, mais le Russe fut
envoyé au travail dans les couloirs sombres du Brunsberg à Schacht Marie. Vers
cette époque, les premiers contingents de femmes détenues arrivèrent à
Helmstedt. Leur présence entraîna de grands troubles dans la bureaucratie, et
plusieurs fonctionnaires établirent des rapports illégaux avec les Vorarbeiter
et les Kapos des femmes. Franz fit mieux. Il développa une liaison avec une
femme S.S. Il le fit avec cet engouement, cette passion démesurée qu’il mettait
toujours à satisfaire ses désirs. Il acheta un Feldwebel et une sentinelle, et,
la nuit, il sortait dans le bois retrouver son amie. Le goût de la liberté lui
revint, impétueux. Il réussit, grâce à ses liaisons personnelles et à la S.S., à
obtenir des vêtements civils et des papiers. Le plan de l’évasion fut mis au
point. C’est alors que Franz commit une erreur qui lui fut fatale. On ne peut
comprendre son attitude autrement que par une sorte de générosité imaginative
qui lui était propre et qui l’amenait à croire, lorsque la passion le tenait, que
les satisfactions qu’il y trouvait et les grandeurs qu’il en tirait
satisfaisaient également les intérêts de ses proches et les amenaient à collaborer
à une entreprise pour la seule beauté de l’aventure. Il fit donc confidence de
ses projets à ses clients les plus intimes. La clique des Rudolf, Otto, Herbert
Pfeiffer, en fut vivement émue, mais n’en laissa rien voir ; au contraire,
en paroles, on entretint Franz dans ses illusions. La crainte et l’ambition
déterminèrent la conduite de ces gens. Ils craignirent, si la fuite se
réalisait, que les S.S. ne les rendissent responsables et, d’autre part, ils
apprécièrent toutes les chances que leur donnait une dénonciation d’augmenter
encore leurs privilèges. Alfred fut désigné pour vendre son ami Franz. L’injure
était grande aux yeux des S.S. Franz non seulement les avait bernés, mais lui, un
vulgaire excrément, avait élevé ses prétentions jusqu’à une femme S.S., et
cette fille stupide s’y était laissé prendre. Franz fut arrêté. Son amie aussi.
Toni Brüncken vint un soir au dortoir annoncer ainsi l’événement : « Une
cochonnerie a été faite ici. L’homme sera pendu. » Franz partit menottes
aux mains pour Neuengamme. Et les pourparlers commencèrent pour sa succession. Alfred
réunit les Kapos. La conférence se tint à la Schreibstube, et, dans cette même
pièce, quelque trois semaines auparavant, les mêmes hommes se trouvaient réunis
pour célébrer, en festoyant, l’anniversaire de Franz, qui venait d’avoir
trente-sept ans. Ils firent alors l’éloge du maître, lui payant, en flatteries,
ses faveurs. Alfred justifia son attitude au nom de la morale et de la sécurité
commune. Il expliqua à quel point Franz était un homme corrompu. Les Kapos
écoutaient gravement. La présence du Blockführer Toni Brüncken écartait les
politiques de l’occupation officielle du pouvoir. Georg eût peut-être été le
seul agréé, mais il tenait à sa tranquillité de Kapo de Schacht Marie, et il
avait organisé quelques affaires à la mine et y avait noué certaines relations
amoureuses qu’il lui aurait été pénible de rompre. La question se posait donc
encore d’un compromis avec un droit commun. Il ne pouvait être question d’Alfred.
Il était trop engagé auprès des S.S. pour avoir la confiance des politiques. Il
était plus que probable qu’il leur échapperait des mains dès sa nomination. Et
un Lageræltester a pouvoir sur tous les autres Kapos dans la vie du camp. Pour
prix de sa trahison, Alfred fut nommé Kapo du Roll wagen, et les S.S. ratifièrent.
C’était un bon prix. Il s’agissait des relations entre la boulangerie et la
cuisine, du ravitaillement général du camp et des rapports avec le Block des
femmes détenues. Qui occupait ce poste était au nœud des intrigues intimes du
camp, et ses contacts avec les civils lui offraient maintes occasions de trafic.
Les Kapos, enfin, désignèrent comme successeur de Franz le plus récent et le
plus infime d’entre eux, Poppenhauer. Ils estimaient que sa dépendance, à leur
égard, leur assurait sur lui un pouvoir étendu. La proposition fut acceptée par
les S.S. Les Polonais travaillaient de leur côté, et ils obtinrent du Blockführer
que Yup réintégrât son poste. Ce fut donc une condition mise à

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