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L'univers concentrationnaire

L'univers concentrationnaire

Titel: L'univers concentrationnaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Rousset
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n’attirât l’attention des S.S. et n’entraînât des représailles.
    Les conditions étaient meilleures dans une grande ville comme
Buchenwald. L’énorme masse des détenus favorisait les rapprochements. A
Buchenwald, en dehors de l’organisation communiste, qui atteint là, sans doute,
un degré de perfection et d’efficience unique dans les annales des camps, il y
eut des réunions plus ou moins régulières entre des éléments politiques allant
des socialistes à l’extrême-droite, et qui aboutirent à la mise en forme d’un
programme d’action commune pour le retour en France. Il y eut aussi des
réunions secrètes de la Franc-Maçonnerie, qui se tenaient dans un petit bois à
l’intérieur du camp. Mais tout cela n’intéressait que des cercles très étroits
et était ignoré de l’énorme majorité des concentrationnaires.
    C’est précisément cette asphyxie mentale, multipliée encore
par les violences des criminels, qui était le mal le plus dangereux des camps.
    Les espions des S.S. grouillaient dans nos rangs. A
Helmstedt, un Russe et un Allemand pendaient les détenus, femmes ou hommes. On
leur donnait chaque fois une soupe supplémentaire. Pour une soupe, pour un
quignon de pain, combien de délateurs ? La plus élémentaire prudence
interdisait donc de parler de son activité passée. Rien n’était terminé dans
les camps. A Helmstedt, une Polonaise fut pendue pour avoir trop parlé de ses
affaires. Lorsque le bourreau rentra ce soir-là (le « grand cheval »,
disaient les Russes, parce qu’il avait une gueule chevaline, et ils le
poursuivaient de hennissements), ses lèvres avaient été violemment égratignées
par les ongles de la femme. Pendant plusieurs jours, il se couvrit le bas du
visage avec un mouchoir.
    *
    **
    Les poteaux indicateurs plantés à la croisée des routes
maintenant l’intimité des camps.

X
À QUOI SERT À UN HOMME DE CONQUÉRIR LE MONDE
    Franz était de haute taille, blond, unesouplesse
animale dans tout le corps, et bien fait. Il était Autrichien et méprisait les
Allemands. Né à Salzbourg, il gardait pour son pays, pour les pistes de ski
dans l’étonnante splendeur des crépuscules, un enthousiasme d’adolescent.
    Il avait un goût effréné et quelque peu vulgaire de vivre, une
sensualité véhémente qui ne se satisfaisait que de puissance, domination dans
la possession amoureuse, domination par l’argent des êtres et des choses. La
guerre venue, il se livra à tous les expédients dans l’âpreté des satisfactions
immédiates. Il subit une première condamnation pour avoir détourné des
quantités imposantes de café. Lorsqu’il fut pris la seconde fois, il dut
abandonner sa liberté et entrer au camp de concentration. Il arriva avec nous
de Neuengamme à Helmstedt. Nous étions alors en avril 1944. Les politiques
allemands détenaient depuis assez longtemps déjà le pouvoir à Neuengamme, mais
les hommes verts, les « droit commun », gardaient encore de fortes
positions dans les Kommandos extérieurs. Lorsque les S.S. décidèrent un transport
pour Helmstedt, les communistes allemands désignèrent Emil, Walter, Kurt et
Georg le Bavarois, avec mission de prendre en main les leviers de commande. Franz
partit avec eux comme volontaire, ainsi que les deux Polonais Antek et Yup. Les
rapports qui étaient arrivés à Neuengamme parlaient d’une grande anarchie dans
le Kommando de Helmstedt et d’une lutte très sévère entre Heinz le matraqueur
et Paul, qui était à l’époque Lageræltester. Paul avait su habilement exploiter
les violences excessives de Heinz, et l’impopularité extrême qui en résultait, pour
le faire dégrader par les S.S. Il ne s’agissait pas, en l’occurrence, d’humanité.
Les concentrationnaires vivaient dans des cadres sociaux qui ne supportaient
pas ces considérations. Mais l’attitude de Heinz maintenait et entretenait un
désordre fâcheux pour le rendement du travail et la bonne marche du camp. Les S.S.
aimaient aussi leur tranquillité. Paul, au pouvoir, ne sut pas rétablir la
situation, et il dut bientôt de nouveau partager la puissance avec Heinz, qui
devint Kapo de la mine. Lorsque je rencontrai pour la première fois Paul, il
était à peu de jours de sa chute. Il le pressentait. Paul me rappelait d’une
façon saisissante le personnage de Popeye. Il avait la même impuissance féroce
qui ne trouvait sa compensation que dans une extrême cruauté. Lorsqu’il
frappait, il éprouvait

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