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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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Kayugh était assis près de la lampe à huile, avec son fils dans ses bras. Et pendant que personne ne regardait, Shuganan avait coupé une mèche des cheveux de Samig. Peut-être y avait-il réellement un certain pouvoir dans la chevelure, une force qui obligerait un homme à voir ce qu'il pensait voir au lieu de ce qui s'y trouvait réellement.
    Cette nuit-là, Shuganan colla cette mèche de cheveux sur la tête du bébé en peau de phoque.
    Et puis, dans le petit matin, avant que les femmes soient levées pour vider les paniers de la nuit, Shuganan enveloppa son bébé dans une des peaux de phoque qu'Homme-Qui-Tue avait données pour le prix de Chagak.
    Il attendit sur la plage, tenant le bébé dans son parka, le morceau de défense dans sa manche. Il attendit de voir les femmes sortir de l'ulaq de Longues Dents, puis il retourna à son ulaq en prétendant qu'il n'était sorti que pour voir s'il y avait des signes de phoque.
    Il retourna sur la plage le lendemain et le matin suivant. Le quatrième jour, poussé par un esprit, il se réveilla dans la nuit et se rendit encore sur la plage avec son bébé en peau et le phoque en ivoire.
    Il attendit durant la plus grande partie de la nuit, surveillant la mer, écoutant le murmure des vagues, guettant un bruit qui ne serait pas celui d'un animal mais celui d'un homme.
    Quand le ciel commença à s'éclaircir, il fut certain d'entendre un bruissement, quelque chose qui gardait son propre rythme et ne venait pas de la mer.
    Shuganan fit glisser le phoque en ivoire dans sa main et sentit l'extrémité de la défense, aussi pointue qu'un couteau, il caressa le manche qu'il avait taillé pour s'adapter au creux de sa main afin d'augmenter la force du coup. Puis il glissa la main à l'intérieur de sa manche et enveloppa le bébé en peau de son bras, comme s'il était une mère portant un fils à son père.
    Il vit l'ikyak et le chasseur assis à l'intérieur et sourit. Oui. C'était bien Voit-Loin.
    Il regarda l'homme guider son ikyak à travers les rochers en direction de la plage et le vit sauter de l'embarcation pour la tirer sur le rivage.
    Voit-Loin sourit à Shuganan mais ne le salua pas. Shuganan n'eut donc pas à lui répondre et se contenta de dire :
    — Homme-Qui-Tue m'a dit que tu allais venir. Je t'attends depuis quatre jours.
    — Je suis venu apprendre à Homme-Qui-Tue à se battre de nouveau, dit Voit-Loin en riant. Il a vécu trop facilement tout l'hiver. Il doit maintenant se préparer à combattre les Chasseurs de Baleines. Nous allons partir bientôt.
    Voit-Loin examina la plage :
    — Mais où est-il ?
    Shuganan s'était assuré qu'aucun ikyak ne fût en vue et savait que Voit-Loin n'avait devant lui que les galets et les rochers de la plage.
    — Il est dans l'ulaq. Sa femme est avec lui. Elle a été une bonne épouse et lui a donné un fils.
    — Un fils ! s'exclama Voit-Loin. Eh bien, maintenant qu'elle lui a donné ce qu'il voulait, il n'aura peut-être pas autant de répugnance à partager sa femme avec moi.
    — Je t'ai apporté le bébé afin que tu le voies, dit Shuganan en gardant les yeux fixés sur le visage de Voit-Loin, espérant détecter le moment où le premier doute naîtrait dans son esprit, espérant agir avant que Voit-Loin comprenne la vérité.
    — Ainsi il te confie une tâche de femme, dit Voit-Loin en éclatant de rire.
    — Je ne peux plus chasser, reconnut Shuganan en pliant davantage son dos et en montrant son bras gauche déformé.
    — Tu vas me montrer son fils ? demanda Voit-Loin, en désignant la grosseur sous le parka de Shuganan.
    — Il y a trop de vent ici. Mieux vaut nous tenir près de la falaise, nous y serons à l'abri.
    Mais dès qu'il eut parlé, Shuganan vit le doute dans les yeux de Voit-Loin, nota le rapide coup d'œil en direction du haut de la falaise, aussi ajouta-t-il :
    — Mais le fils d'Homme-Qui-Tue est fort, un peu de vent ne lui fera pas grand mal.
    Le doute disparut. Shuganan introduisit sa main à l'intérieur de son parka, en tira le bébé en peau de phoque et le tint contre sa poitrine.
    Voit-Loin sourit et se pencha pour voir l'enfant. Shuganan fit glisser la défense de morse gravée le long de son bras jusqu'à ce qu'il sentît la pointe dans la paume de sa main. Il sortit alors le bébé pour le montrer à Voit-Loin et feignit de trébucher. Il lut la surprise dans les yeux de Voit-Loin et vit le rapide mouvement de l'homme pour saisir le bébé. Dès que celui-ci posa la

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