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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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bébé à venir, encore dans le ventre de Blanche Rivière, et il avait décidé de chercher un endroit pour eux qui n'apporterait pas toujours la mort.
    — Ce n'est pas un bon endroit pour y vivre, avait-il dit aux hommes. La plage est trop basse, trop facilement ouverte à la mer. Les esprits nous envoient des vagues pour nous tuer et rient de notre stupidité. Nous devons trouver une autre plage pour y installer notre village.
    Seul Longues Dents l'avait approuvé, puis finalement Oiseau Gris s'était laissé convaincre, mais c'était un homme qui avait peur de tout et Kayugh aurait préféré ne pas l'emmener avec lui.
    Oiseau Gris parlait facilement. Dans sa bouche les insultes étaient subtiles, laissant des marques que l'on n'oubliait pas. Mais c'était peut-être sa langue dorée qui lui avait gagné sa jolie femme. Coquille Bleue avait une peau fine et douce, de belles dents blanches, des yeux grands et vifs. Son nom lui-même, rappelant la luminescence de l'intérieur d'une patelle, était beau.
    Son père n'avait pas fait le bon choix de mari pour elle. Quand Kayugh avait rencontré la jeune femme pour la première fois, alors qu'elle venait de se marier, elle souriait toujours, riait souvent, maintenant elle était silencieuse, prête à courber la tête si Oiseau Gris marchait sur elle la main levée.
    Mais Oiseau Gris était un homme, un chasseur, et qui pouvait refuser à Coquille Bleue et à son enfant à naître une chance de partir vers la sécurité ?
    Aussi Coquille Bleue et Oiseau Gris étaient-ils venus avec Kayugh, Longues Dents et leurs familles quand ils avaient quitté leur village. « Partir avait été la meilleure solution, pensa Kayugh, mais si j'étais resté j'aurais peut-être encore deux épouses et je serais capable de garder mon fils. »
    — Et maintenant je vais devoir te quitter, dit-il au bébé. Car qui pourrait te nourrir? Si je t'emmène tu finiras par mourir et dans ce cas il vaut mieux que tu restes avec ta mère. Ainsi ton esprit ne sera pas perdu. Elle te guidera vers les Lumières Dansantes. Si je t'emmenais comment trouverais-tu ton chemin si tu devais mourir?
    Le bébé regardait son père comme s'il comprenait.
    — Tu es trop sage, dit Kayugh, en baissant sa joue sur les cheveux bruns et doux de son fils.
    Et enfin les larmes vinrent, tandis que Kayugh pleurait ses deux femmes et le fils qu'il devait laisser. Le bébé aussi se mit à pleurer et, en l'entendant, Kayugh eut l'impression que leurs cœurs n'en faisaient qu'un seul et que leurs esprits s'étaient rejoints.
    Longues Dents et Oiseau Gris avaient creusé une tombe étroite, à peine plus profonde qu'une main d'homme, et avaient empilé des rochers au pied de la tombe. Lorsque Kayugh revit Blanche Rivière, les femmes l'avaient lavée et étendue < dans la tombe, les genoux relevés vers son menton, le visage marqué de taches d'ocre. La femme était à nouveau une enfant, une enfant qui naissait au monde des esprits.
    Tous les autres s'étaient rassemblés autour de la tombe, même Premier Flocon qui se tenait près de Longues Dents.
    Kayugh prit sa place dans le cercle. Il posa Baie Rouge par terre près de lui et elle regarda la femme couchée dans la tombe mais ne dit rien. Le bébé était tranquille, il suçait un coin de la fourrure qui l'enveloppait. Quand les femmes commencèrent leur chant funèbre, Kayugh posa le bébé dans la tombe en plaçant l'enfant dans l'espace entre les genoux relevés de sa femme et sa poitrine. Le bébé enfonça son nez contre sa mère, en ouvrant la bouche, et s'agita sur le suk de sa mère.
    Kayugh reprit sa place dans le cercle et essaya de se joindre au chant, mais il ne se rappelait plus les paroles et n'arrivait pas à élever la voix. Finalement il se tint immobile, silencieux, les yeux fermés pour retenir ses larmes.
    Longues Dents vint près de lui et plaça la première pierre dans la main de Kayugh, celui-ci la posa aux pieds de sa femme, se souvenant qu'il avait fait le même geste pour enterrer Jambe
    Rouge. Il avait l'impression d'avoir enterré beaucoup d'épouses, de n'avoir cessé d'enterrer des femmes depuis qu'il était enfant, d'avoir passé davantage de temps à chanter des chants de mort que des chants pour attirer les phoques, pour chasser la solitude d'un ikyak sur la mer.
    Il regarda les autres, les femmes, une par une, déposèrent une pierre, puis ce fut le tour de Longues Dents et d'Oiseau Gris, tous empilèrent des pierres sur le corps

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