Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
Vom Netzwerk:
Un jour où la mer était trop démontée pour chasser, mon père était assis en haut de son ulaq et je lui offris le harpon. Bien qu'il ne dît rien, je lus la surprise dans son regard et, plus tard, je vis qu'il montrait le harpon aux autres hommes.
    « Trois ou quatre jours après, il construisit une coque d'ikyak et demanda à ma mère de fabriquer une couverture en peau de phoque. Cet été-là il m'apprit à chasser et me donna un harpon qui avait appartenu à son père.
    « Pour la première fois j'eus l'impression que je faisais partie du peuple de mon père et je travaillai dur pour lui plaire. J'appris à chasser et je continuai à graver et à sculpter. Mon père remplit notre ulaq de fourrures et de belles armes que d'autres peuples lui donnaient en échange de mes sculptures.
    « J'avais quatorze étés quand je participai au premier raid. »
    Shuganan s'interrompit, puis il ajouta vivement :
    — Je n'ai jamais tué personne. Nous faisions ces raids principalement pour nous procurer des armes, peut-être pour capturer une femme comme épouse, et la plupart des femmes étaient consentantes.
    « Je ne ramenai jamais rien, mais il y avait une certaine excitation dans ces expéditions, quelque chose que je ne peux expliquer, le pouvoir de s'approprier ce qui appartient aux autres.
    « Mais un jour au cours de cet été un shaman arriva au village. Lui et mon père devinrent amis. Le shaman prétendait être le fils d'un esprit puissant et il exécutait des signes avec le feu, faisant jaillir des flammes du sable et de l'eau. Il connaissait des chants qui rendaient les hommes malades et des médecines qui les guérissaient. Bientôt tout le monde crut ce qu'il racontait et, comme ses croyances n'étaient pas très différentes des nôtres, il ne fut pas difficile de le suivre.
    « Si un chasseur gagne de la force de l'animal qu'il tue, disait-il, alors ne gagnera-t-il pas aussi de la force en tuant un homme ? »
    Shuganan entendit Chagak pousser un petit cri étouffé, mais il poursuivit :
    — C'était là un raisonnement que j'ai cru moi-même pendant quelque temps.
    Il s'interrompit, mais Chagak resta immobile.
    Elle avait baissé la tête et Shuganan ne pouvait voir ses yeux.
    — Nos raids devinrent de véritables tueries, continua Shuganan de sa même voix douce. Mais je découvris que s'il est facile de renverser un homme et de lui prendre son arme ou son ikyak, c'est un acte terrible que de le tuer. Et chaque raid devint plus difficile, non seulement pour moi, mais pour certains autres.
    « J'étais alors en âge de prendre une épouse et d'avoir mon propre ulaq. Un certain nombre d'entre nous avions décidé de trouver une femme et de quitter le village pour aller commencer une autre vie ailleurs sans avoir à tuer.
    « On nous dit que nous pouvions partir, mais on ne nous donnerait pas d'épouses. Certains décidèrent alors de rester, d'autres de s'en aller quand même. Comme je préparais mon ikyak, les hommes du village vinrent me trouver. Le shaman me déclara que je ne pouvais partir. Je n'aurais plus besoin de participer aux raids mais je devais rester avec mon peuple et si je refusais il pratiquerait une magie qui tuerait ma mère et tous ceux qui avaient décidé de s'en aller.
    « Je restai dans un ulaq, plus ou moins sous surveillance. On m'apportait à manger. Mes lobes d'oreilles furent percés, comme l'avaient été ceux de ma mère, en signe d'esclavage. Chaque jour je devais faire des sculptures car le shaman voyait en elles de grands pouvoirs. Il prétendait qu'un homme possédant une sculpture représentant un animal tirait une petite partie de l'esprit de l'animal vivant.
    « Ce fut une période abominable pour moi, Chagak, dit Shuganan en baissant la voix. Je passai deux années à ne faire rien d'autre que ces sculptures. J'avais toujours aimé le toucher de l'ivoire ou du bois, mais j'en vins à le détester.
    J'aurais voulu m'enfuir, mais alors que ferait le shaman ? Un jour, alors qu'elle m'apportait mon repas, je vis que ma mère partageait ma peine et son chagrin me donna le courage d'agir.
    « Le shaman venait souvent dans l'ulaq pour me regarder travailler. Nous ne parlions pas, mais un jour je lui montrai un fanon de baleine que mon frère m'avait apporté. Je lui dis que j'avais rêvé d'un motif et que ce serait un cadeau pour lui.
    « Je gravai plusieurs animaux sur la surface de ce fanon. Autour d'eux, j'ajoutai des gens en miniature, représentant l'image de

Weitere Kostenlose Bücher