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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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Samig, il s'arrêta de téter pour la regarder un long moment. Amgigh ne s'arrêta pas mais s'accrocha plus fort à son sein.
    — Ma petite-fille, porte-moi de l'eau, lui dit soudain Shuganan d'une voix forte qui couvrait celles de tous les autres.
    Il changea de place et alla s'asseoir sur une pile de peaux de phoque à côté de Kayugh. Chagak se leva, ouvrit une outre d'eau fixée sur une poutre et la lui tendit. Il but longuement, mit l'outre par terre et posa ses mains noueuses sur ses genoux.
    D'abord il s'adressa à Kayugh et parla comme si personne d'autre n'écoutait.
    — Tu m'as demandé l'histoire de mon peuple, dit-il, et comment j'étais venu sur cette île. Je vais te le dire maintenant. Le temps est venu de se souvenir.
    Chagak ferma les yeux. Elle pouvait se détendre. Personne ne s'inquiéterait si les lampes filaient et s'éteignaient.
    Elle savait que Shuganan leur dirait en grande partie la vérité, mais aussi ce qui ne l'était pas. Ce serait l'histoire qu'il avait décidé de raconter aux Chasseurs de Baleines quand ils iraient les voir pour les prévenir. Elle savait qu'elle devait se rappeler ce qu'il disait — pour la protéger et se protéger lui-même et surtout préserver Samig. Mais elle devait aussi se pénétrer de l'histoire afin de s'en convaincre et ressentir la colère, la joie et l'émerveillement tandis que Shuganan s'exprimerait dans le silence de l'ulaq.
    — Lorsque j'étais jeune, commença Shuganan, je faisais du troc pour mon peuple.
    Il s'arrêta et Chagak comprit qu'il attendait que tout murmure ait cessé afin que tous écoutent ce qu'il avait à dire. Il reprit.
    — J'ai ainsi voyagé jusqu'aux quatre coins du monde, là où des murs de glace marquent les frontières de la terre. J'ai voyagé loin dans la mer, jusqu'à des îles que peu d'hommes connaissent. J'ai connu le peuple des Morses qui chassent les ours bruns. Mais j'ai surtout connu une peuplade appelée les Petits Hommes. Ce sont des hommes de petite taille, mais de forte stature, connus pour leur habileté à la chasse et leur astuce à faire du troc.
    « Au cours de la plupart de mes voyages, j'ai voyagé avec les Petits Hommes. Nous faisions des échanges avec d'autres peuples, apportant de l'huile de phoque aux Chasseurs de Morses, et ramenions des peaux et de la viande de morse pour les échanger contre de l'huile de phoque chez les Chasseurs de Baleines.
    « J'appris à parler la langue des Petits Hommes et j'ai même séjourné quelque temps dans leur village. Mais plus je vivais près d'eux et plus je me rendais compte que c'étaient des gens cupides. Ils ne faisaient pas de commerce pour se procurer de la nourriture ou des vêtements et pour en apporter aux autres. Ils cherchaient à s'approprier plus qu'ils n'avaient besoin. C'est cette cupidité qui attira les mauvais esprits sur eux.
    « Guidé par le mal et non par le bien, un shaman vint chez eux. Il vit tout ce dont les Petits Hommes disposaient et décida de s'emparer de tout. Il leur dit qu'il allait affaiblir les autres peuples afin qu'ils puissent tout prendre sans faire de troc.
    « Ils se rendirent dans les villages sous prétexte de faire des échanges et, lors de la dernière nuit, pour célébrer leur entente, les Petits Hommes se levaient et égorgeaient tous les gens du village afin de prendre tout ce qu'ils possédaient.
    « Finalement ils ne firent même plus semblant de chercher à faire du troc, mais débarquèrent dans les villages, la nuit, et massacrèrent les gens.
    « Alors, comme maintenant, j'étais sculpteur, les Petits Hommes attribuaient une grande valeur à mes figurines. S'ils allaient attaquer un village de Morses, ils voulaient emporter des sculptures de morses afin de les placer avec leurs amulettes; s'ils se rendaient chez les Chasseurs d'Ours, ils réclamaient des statuettes représentant des ours... »
    Shuganan baissa la tête et parla non avec l'autorité d'un conteur d'histoires, mais avec celle d'un homme relatant un rêve prémonitoire.
    — Il y avait toujours eu quelque chose en moi, un esprit qui se cachait dans ma tête et mes mains, me poussant à sculpter.
    Chagak se rendit compte que Shuganan s écartait de l'histoire qu'ils étaient préalablement convenus de conter et elle ouvrit de grands yeux en observant le vieil homme. Elle espérait qu'il parlerait avec précaution du père de Samig.
    — Ce mauvais shaman vit un grand pouvoir dans mes sculptures et tout d'abord je fus flatté de son

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