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Ma mère la terre - Mon père le ciel

Ma mère la terre - Mon père le ciel

Titel: Ma mère la terre - Mon père le ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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cette bruyante assemblée dans l'ulaq de Shuganan. Dans son propre village la construction d'un ulaq était une occasion de se réjouir, mais celle de cet ulaq était gâchée par les constantes récriminations d'Oiseau Gris et sa mesquinerie envers Coquille Bleue.
    Il était pénible aussi de voir les autres femmes se servir de ses réserves, ainsi que de ses pierres de cuisson. Plus tôt, ce jour-là, devant le foyer allumé sur la plage, Nez Crochu avait utilisé de l'huile de baleine pour faire cuire un hareng qu'elle avait attrapé. Pour cette cuisson elle s'était servie d'une large pierre plate dont Chagak se servait pour broyer les graines et les baies sèches et qu'elle prenait grand soin de tenir toujours propre et sans la moindre tache d'huile afin de pouvoir conserver la poudre pendant des mois sans crainte de moisissure. Mais quand Chagak s'aperçut que Nez Crochu avait chauffé la pierre, le mal était fait. Elle s'était contenue en se disant qu'elle chercherait une autre pierre après le départ de Nez Crochu. Les voyageurs ne pouvaient tout emporter avec eux et Nez Crochu avait peut-être abandonné sa pierre de cuisson.
    Chagak avait essayé de tenir les plats prêts et d'expliquer comment elle avait l'habitude de mettre les provisions de côté, mais il semblait que chacune des femmes n'en fit qu'à sa tête, et la pièce où se trouvaient les réserves était remplie de sacs éventrés et de graines répandues de tous les côtés.
    Oiseau Gris avait découvert la réserve d'œufs conservés dans l'huile et le sable et en avait mangé plus de la moitié.
    Mais le plus grand souci de Chagak était le fils de Kayugh. L'enfant tétait et dormait mais elle ne voyait aucun changement dans son état, ses bras et ses jambes restaient toujours aussi maigres. Ses cris n'étaient pas plus forts. Il ouvrait rarement les yeux et, quand Chagak lui tendait un doigt, il ne s'y accrochait pas.
    Le matin, dès qu'elle était levée pour vider les paniers de nuit et allumer les lampes, Kayugh venait près d'elle, les traits tirés, les yeux fatigués et rougis par l'insomnie. Elle soulevait son suk et lui montrait les bébés, l'un gras et dodu, l'autre maigre et famélique. Il secouait la tête et la tristesse de son regard torturait Chagak.
    — Il tète bien, disait-elle.
    Et la première fois qu'elle avait prononcé cette phrase, une lueur d'espoir avait brillé dans les yeux de Kayugh, mais maintenant chaque fois qu'elle lui montrait le bébé et faisait un commentaire, il ne répondait pas.
    Chagak chantait en travaillant. Des chants sur la chasse pour faire de bons chasseurs et des prières à Aka. Elle fouilla même parmi les sculptures de Shuganan jusqu'à ce qu'elle ait trouvé un père portant son fils sur ses épaules et, avec la permission de Shuganan, elle l'attacha au côté gauche de son suk au-dessus du fils de Kayugh.
    Elle avait travaillé sur la plage la plus grande partie de l'après-midi et avait attrapé deux oiseaux rapaces appelés jaegers qui étaient venus survoler les foyers de cuisson en quête de morceaux de carcasse de baleine. Elle avait lancé un panier sur les oiseaux puis leur avait tordu le cou avant de les mettre de côté pour les plumer plus tard.
    En fin d'après-midi elle était retournée dans l'ulaq, espérant être seule, mais Coquille Bleue et Petit Canard étaient là, travaillant toutes les deux à des tapis d'herbe pour leur ulaq. Chagak avait couché Samig dans son berceau et avait bercé Amgigh pour continuer à l'allaiter, puis elle s'était assise pour aider les deux femmes. Mais même dans ce travail elle ne se sentait pas à sa place. Les deux autres parlaient de gens qu'elle ne connaissait pas, de plages qui ne lui étaient pas familières. Elle-même n'ouvrait la bouche que pour formuler des demandes nécessaires à son travail.
    Finalement, elle sortit de l'ulaq en emportant deux grands paniers et se dirigea vers les collines pour ramasser de la bruyère. Elle remplacerait l'herbe de l'ulaq par de la bruyère, espérant que cela rafraîchirait l'odeur de renfermé accentuée par la présence de trop nombreuses personnes.
    Quand ses deux paniers furent pleins, elle commença à retourner vers l'ulaq, mais elle vit Kayugh venir au-devant d'elle. Pendant un instant elle ferma les yeux. Elle avait soif et elle avait espéré avoir le temps de remplir son outre à la source près de l'ulaq, un moment de répit pour s'asseoir et boire sans rien entendre en dehors du

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