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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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souffla-t-elle. Pas de malédiction.
    Puis la douleur de nouveau, si soudaine, cette fois, que Kiin ne put réprimer un cri. Ainsi, son deuxième fils fut délivré aux cris de sa mère et, quand Femme du Ciel brandit l'enfant au-dessus de Kiin, celle-ci ferma les yeux de joie en remarquant les larges épaules, les épais cheveux noirs, les sourcils inclinés comme des ailes de mouette. Le fils de Samig. Le fils de Samig. Pas de malédiction. Pas de malédiction.
    Kiin était assise, ses bébés dans les bras. Elle avait déjà oublié la douleur. Elle avait oublié la peur de la malédiction qui ne l'avait pas quittée tout le temps qu'elle portait ses fils. Elle avait oublié son effroi lorsque Femme du Ciel avait tenu chaque enfant devant Kiin, sa terreur de voir des bébés avec des traits comme les poissons qu'elle lavait parfois sur la plage, énormes, pleins d'écaillés, au ventre blanc comme celui d'un mort.
    Pour apaiser ses craintes, Kiin s'était dit qu'il serait déjà bon d'être seule dans la hutte de naissance, sans les ordres du Corbeau, sans Queue de Lemming pour la gifler ou la pincer.
    Et aussi, depuis que le Corbeau avait vu son coquillage-dent de baleine, il avait exigé que Kiin sculpte. Chaque jour, il rapportait de la plage du bois flotté et Kiin, à l'aide d'un petit couteau courbe, sculptait, pour s'apercevoir que son couteau façonnait les mêmes animaux difformes que ceux de son père.
    Si Kiin possédait en esprit l'image exacte de l'animal, ses doigts ne parvenaient pas à le restituer. Il y avait toujours un défaut, un œil plus grand que l'autre, une patte trop petite, des nageoires dans le mauvais sens. Pourtant, le Corbeau était satisfait de son travail et grommelait son approbation. Chaque nuit, il ramassait ses figurines, les enveloppait dans des morceaux de peau de phoque à fourrure qu'il rangeait dans des paniers. Il lui avait même rapporté une précieuse défense de morse que Kiin avait sculptée en ornement pour les cheveux de son époux.
    Queue de Lemming détestait les statuettes de Kiin et raillait souvent leur laideur. Kiin aussi était hideuse, disait-elle, trop laide pour rejoindre le lit du Corbeau. Kiin pensait-elle vraiment qu'il la prendrait comme véritable épouse une fois les bébés nés? Non. Il ne voulait pas d'elle. Il voulait seulement les deux fils qu'elle portait, à en croire Femme du Soleil. Mais Kiin se contentait de sourire, se demandant pourquoi cela importait tant à Queue de Lemming. Oui, les sculptures étaient affreuses. Etre la seule avec Queue de Lemming à s'en apercevoir la stupéfiait.
    Mais si les statuettes étaient horribles, ce n'était pas le cas de Kiin. Les hommes n'abandonnaient pas tant de fourrures pour un laideron. Queue de Lemming devait bien savoir que le Corbeau ne prenait que de belles épouses. Queue de Lemming était belle, ses yeux non pas bruns mais mordorés, sa chevelure noire avec des reflets rouges. Et Cheveux Jaunes? Netait-elle pas belle avec son corps gracieux comme de l'eau qui coule? Ainsi, Kiin savait qu'elle n'était pas laide même si, au fil des jours, son gros ventre la rendait gauche.
    Dans la hutte de naissance, elle n'avait pas à sculpter. Elle était enfin seule et elle pouvait inventer des mélopées, chanter, bercer ses fils. Presque toute sa joie venait de ce qu'elle voyait que l'un ressemblait à Samig et l'autre à Amgigh, n'ayant rien de commun avec Qakan. De cette façon, elle les aimait tous les deux, ne trouvant nulle malédiction dans la perfection de leurs bras et leurs mains, dans les longs doigts et orteils du fils d'Amgigh, aux cheveux raides et fins et aux longues jambes ; dans les larges épaules du fils de Samig, dans ses mains larges et ses cheveux épais.
    Pas de malédiction, se répétait-elle. Pas de malédiction. Pourquoi s'inquiéter? Qakan n'était pas de taille à maudire les fils donnés par Amgigh et Samig. S'il n'avait pas maudit ces fils, comment pouvait-elle se croire maudite? Elle retournerait à son peuple, oui, d'une façon ou d'une autre, elle retournerait. Quand elle aurait recouvré ses forces, avant d'être obligée de revenir vivre dans l'ulaq du Corbeau, elle quitterait la hutte de naissance à la nuit, elle attacherait les bébés sous son suk et volerait un ik. Elle rentrerait chez les Premiers Hommes. Oui, cela lui prendrait tout le printemps, tout l'été, mais qui avait pagayé presque tout le chemin l'été dernier? Pas Qakan.
    Elle ramènerait ses

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