Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
Vom Netzwerk:
chaque poignet. Une fois assurée que les bébés dormaient, elle se mit en route.
    L'escalade jusqu'à la base des falaises était pénible. Le sable noir s'effaçait sous ses pas et à deux reprises elle se coupa l'orteil aux bords tranchants des roseaux des sables. Elle avait une canne, pas une bonne canne taillée à la dimension de la main, mais un gros bout de bois flotté qu'elle avait trouvé sur la plage. Il l'aidait à garder l'équilibre pendant son ascension. Elle s'arrêta lorsqu'elle eut repéré un endroit d'où guetter l'entrée des terriers d'alques. Elle fabriqua des pièges, laissant un nœud coulant au centre ; les brins se resserreraient autour du cou de l'oiseau quand il sortirait. Puis elle fixa les rets à chaque orifice. Elle avait de quoi en poser cinq. Ce soir, quand les oiseaux quitteraient leur terrier, ses filets en prendraient deux ou trois.
    Elle repartit en longeant la colline où des guille-mots noir et blanc nichaient, droits et raides comme des piquets. D'ordinaire, ils choisissaient des crêtes difficiles d'accès, mais celle-ci jaillissait d'une petite colline herbeuse.
    Kiin savait que les œufs de guillemots — un ou deux par nid — se trouvaient sur la pierre nue, avec parfois autour un peu de terre ou quelques brins d'herbe. Kiin fit claquer sa canne contre l'herbe au-dessus de la crête; bientôt, avec des gémissements coassants, les guillemots quittèrent leurs nids. Kiin ramassa six œufs.
    C'est bien, se dit-elle. Ce soir, nous les mangerons et demain matin, je cuirai des oiseaux. Alors Qakan se décidera peut-être à rester un jour de plus pour renouveler les provisions.
    Cette nuit-là, Kiin s'éveilla souvent. Depuis qu'ils avaient quitté le village des Hommes Morses, elle s'était refusée à dormir trop profondément. Pourquoi courir le risque que Qakan se glisse en douce dans son abri? Pourquoi courir le risque qu'il s'en prenne de nouveau à elle et s'en serve comme d'une épouse? Pourtant, jusque-là, il n'avait pas esquissé le moindre geste, la traitant plutôt en homme, lui laissant une juste part de nourriture et accomplissant au moins quelques tâches.
    Cela n'empêchait pas son malaise. Qakan restait Qakan, paresseux, égoïste, souvent irréfléchi, faisant souvent passer ses désirs avant sa sécurité, incapable, semblait-il, de voir que ce qu'il faisait dans l'instant pouvait lui nuire par la suite. Il allait tenter de la négocier, sans doute lorsqu'ils atteindraient les villages des Premiers Hommes ; et maintenant qu'ils étaient loin du village du Corbeau, le mieux serait peut-être de le quitter. Il ne fallait guère de temps à Kiin pour lancer l'ik et pagayer hors d'atteinte de Qakan.
    A cette seule pensée, son cœur battait la chamade : rentrer dans son village avec ses fils et un ik plein de marchandises d'échange. Elle souriait dans l'obscurité. Son père serait furieux, et Qakan la détesterait pour toujours.
    « Il t'a toujours détestée, murmura l'esprit de Kiin. Samig et Amgigh te protégeraient. Tu es suffisamment forte pour t'échapper. Ce ne serait pas facile, mais tu le pourrais. Il y a des moyens, des moyens pour réussir. Tu as un couteau. Tu n'es pas attachée... »
    Oui, songea Kiin. Oui. Il y a des moyens. Et elle dressa des plans jusqu'à ce que le ciel trace une fine ligne claire pour marquer l'aube.
    Qakan dormit comme une masse. Ses rêves étaient de bons rêves, des rêves de Cheveux Jaunes, une Cheveux Jaunes bonne, aussi gentille que sa danse l'avait laissé promettre. Ses fils et d'autres fils vivaient dans un ulaq si grand qu'il fallait une ran-gée entière de lampes pour l'éclairer. Qakan rêva que ses mains caressaient les seins doux et ronds de Cheveux Jaunes, les muscles longs et fermes de ses cuisses. Et Kiin aussi était là, souriant, souriant tandis que Qakan prenait Cheveux Jaunes, Kiin souriant et chantant, tandis que Cheveux Jaunes gémissait et se tordait sous lui.
    Quand les bébés se réveillèrent, Kiin les nourrit, les lava, passa de l'huile de phoque sur leur peau si fine, si tendre. Quand ils se rendormirent, elle partit relever les pièges.
    Trois sur cinq contenaient des alques morts, étranglés par les ficelles. Elle démantela les rets et utilisa une des cordelettes pour ficeler ensemble les oiseaux qu'elle rapporta à l'abri.
    Elle trouva les deux bébés en pleurs. Se débarrassant en hâte de son butin, elle les attira contre elle, ôta l'herbe souillée de leurs langes en peau de

Weitere Kostenlose Bücher