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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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porte l'en-enfant de mon mari.
    Qakan pivota sur lui-même, bouche bée. Il leva la main mais Kiin plongea, si bien que le coup atteignit son crâne et non son visage. Qakan serra les mains d'un mouvement rageur.
    — Elle ment.
    Puis il ferma les poings et se prépara à frapper. Mais la grande femme bloqua la main de Qakan à l'aide de son bâton.
    — Nous ne voulons pas de toi ici si tu bats les femmes. Je n'ai pas de grands pouvoirs pour savoir si tu mens ou non, mais si elle dit la vérité, nous ne voulons pas de toi ici. D'ailleurs, nous avons peu à échanger. La chasse a été maigre. Notre montagne s'est mise en colère et ses cendres éloignent les phoques.
    Elle tourna le dos à la mer et s'éloigna, mais Qakan la suivit.
    — J'ai des peaux de phoques.
    Elle l'ignora.
    — Un magnifique suk, ajouta-t-il en courant jusqu'à l'ik pour fouiller dans les sacs et extirper le suk que lui avait fait sa mère. Regarde ! lança-t-il en le tenant bien haut et en passant ses mains sur les manches.
    Les yeux des femmes les plus jeunes s'arrondirent et Kiin vit le désir sur leur visage. Mais la grande femme s'arrêta et, sans se retourner, leva sa canne au-dessus de sa tête.
    — Je t'ai dit de partir!
    Sur quoi, elle reprit son chemin en direction des ulas.
    Les autres femmes la suivirent. Seuls les enfants restèrent, le regard fixé sur Qakan lorsqu'il s'écria :
    — Je pourrais maudire ton village, mais je ne le ferai pas. Dis à tes chasseurs que tu as refoulé un marchand. Dis-leur que j'ai des couteaux d'obsidienne. Les plus beaux qu'ils aient jamais vus. Je n'ai nul besoin de te maudire. Tes chasseurs le feront quand ils apprendront ce que tu as fait.
    35
    Là, sur la plage, sous le regard des enfants, il la frappa. D'abord à coups de poing. Habituée à être battue, Kiin se roula en boule afin de protéger sa tête et son ventre. Son impuissance amena la rage, et la rage, les larmes. Que pouvait-elle contre lui, pieds et poings liés qu'elle était? Mais il s'arrêta et Kiin, dans la crainte de lever les yeux, entendit le grattement d'une pagaie qu'on tirait de l'ik. L'effroi la hissa debout et elle comprit alors que ce n'était pas tant pour elle que pour l'enfant qu'elle avait peur. Le fils d'Amgigh. Peut-être le fils de Samig.
    — Tu vas tuer ton fils, dit-elle posément.
    Qakan fixa les yeux sur elle. Finalement, il lâcha
    la pagaie dans le bateau.
    — Pousse, ordonna-t-il. Dans trois ou quatre jours nous serons au village des Chasseurs de Morses.
    Kiin tendit ses poignets mais Qakan la refoula.
    — Tu as peut-être besoin d'apprendre ce que c'est vraiment que d'être esclave.
    Ils voyagèrent le reste de la matinée. Kiin fixa une longue ligne torsadée de fibre de varech à un banc de nage. Elle la lesta de plusieurs pierres, puis elle appâta l'hameçon. Ils étaient suffisamment au large pour attraper un flétan. Un petit — Qakan et elle n'étaient pas assez costauds pour en tirer un gros dans le bateau, mais peut-être un de la taille de Mésange, la petite sœur de Samig. Kiin posa sa pagaie en travers de l'ik et lança la ligne. Rien.
    Kiin renifla la fumée avant de la voir. Les fines volutes se perdaient dans le brouillard qui s'accrochait au rivage et dissimulait les montagnes dressées comme une immense crête de rocher et de glace. Elle se tourna vers Qakan.
    — De la fumée, dit-elle avec un mouvement de la tête.
    Sa pagaie sur les genoux, soudain en alerte, Qakan plissa les yeux en direction du rivage.
    — Regarde. On peut accoster à cet endroit.
    Kiin sortit sa pagaie de l'eau. Qakan donna de
    grands coups de rame orientant l'ik vers la terre. Après quoi, elle pagaya à son tour.
    Les galets crissèrent contre le fond de l'ik.
    — Reste là, ordonna Qakan.
    Il sortit du bateau et le tira sur le sable.
    Le vent arriva en brusques rafales et plusieurs grosses vagues s'écrasèrent sur la plage. L'ik bascula mais l'eau n'y entra pas. Qakan tira le bateau une seconde fois, puis observa les vagues. La mer calmée, il dit, dans un haussement d'épaules :
    — Si les vagues reviennent, tire l'ik plus haut sur la plage.
    Kiin tendit les poignets.
    — Avec les mains attachées?
    Mais Qakan s'était déjà éloigné. Kiin se tenait debout, s'apprêtant à le rappeler, quand elle aperçut un petit feu que le brouillard avait dissimulé. Elle crut distinguer deux ou trois hommes qui se tenaient debout près des flammes. Kiin s'empara de la pierre tranchante que Qakan

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