Madame Catherine
silence s’instaura.
— Ne crains-tu pas de l’entraîner sur une pente risquée pour lui ?
— C’est là ta crainte, non la mienne... Dis-moi : puis-je te poser des questions, à mon tour ?
Simon se redressa. Il s’appuya sur un coude et, tâtonnant dans la nuit jusqu’aux lèvres de La Forest, y inséra un bout de langue avec délice. Cela devint un baiser qui s’éternisa...
— Une seule, concéda-t-il en reprenant haleine.
— D’accord, une seule : pourquoi es-tu resté papiste ?
— Pourquoi je suis fidèle à Rome ? Le seul, dans une famille qui ne l’est pas ? Parce que... Parce que c’était la religion de ma mère, et qu’elle m’a fait jurer, avant sa mort, de n’en jamais changer.
Il se laissa retomber dans l’herbe qui fraîchissait. Les yeux perdus dans l’infini des étoiles, il ajouta la seule précision nécessaire :
— Ma mère n’était pas celle de Gautier. Nous n’avons en commun que notre père.
— Je comprends la cause, je déplore les effets.
Soudain Simon se redressa : il venait de percevoir, derrière un cri de hibou, quelque chose comme un hennissement – peut-être la jument qui, toujours attachée à son arbre, commençait à s’impatienter.
Entre Écouen et Coisay.
Les jeunes clercs, ordinairement formés aux exercices de l’esprit, n’étaient presque pas initiés à ceux du corps ; ainsi la plupart d’entre eux ne savaient-ils même pas monter. Ils allaient donc à dos de mule, comme les prêtres, comme les financiers... Vincent Caboche ne dérogeait pas à la règle. Aussi quand le baron de Coisay, quittant les écuries d’Écouen, l’avait juché presque de force sur un très haut cheval, la terreur qu’il en avait conçue lui avait fait perdre une bonne part de son insolence native.
— Je connais Beau Temps, il n’est pas vicieux pour un sou, avait pourtant assuré Gautier, claquant dangereusement le cul du cheval.
— Ne faites pas ça ! s’était plaint à mi-voix le jeune homme, livide.
Du coin de l’oeil, il avait observé Françoise, priant le Seigneur qu’elle ne fût pas entièrement consciente de la peur qui le tenaillait et lui ôtait ses moyens. Elle s’approcha dans l’instant, parfaitement maîtresse de sa propre haquenée {13} , qu’elle montait en amazone.
— Tout ira bien, vous verrez, dit-elle avec un sourire adorable.
Visiblement, elle avait perçu sa frayeur et tentait de le rassurer. Vincent se demanda s’il n’aurait pas préféré quelques moqueries bien méchantes à cette compassion malvenue, car humiliante. Mais comment aurait-il pu en aller autrement ? Françoise était si bonne, si prévenante !
Quatre jours avaient suffi au jeune clerc pour qu’une utile rencontre, devant la cage aux singes, devînt à ses yeux un moment d’importance. Pour autant, Vincent ne perdait pas de vue la mission que lui avait confiée la duchesse de Valentinois : il devait en apprendre le plus possible sur les liens des frères de Châtillon dans le parti réformé.
Par chance pour lui, M. de Coligny, plus ennuyé que passionné par les bons offices de Coisay et ses liens avec Genève, l’avait désigné pour raccompagner le gentilhomme et sa fille.
— Rencontrez ce La Forest, lui avait ordonné le colonel général, et tâchez de voir ce qu’il trame au juste. Vous m’en ferez le rapport.
Ainsi la mission de Vincent promettait-elle de mêler l’agréable à l’utile.
Et l’agréable confinait au divin...
« C’est une espèce d’archange, avait-il fini par se convaincre avec cette sûreté un peu trop prompte qu’il mettait dans ses jugements. Jamais plus, de ma vie, je ne rencontrerai autant de qualités dans un seul être. »
— On se traîne, on perd du temps, fit observer Gautier – sans que Vincent pût savoir s’il ignorait son angoisse, ou s’amusait à l’attiser.
— C’est que je ne me sens pas trop bien, annonça Françoise.
— Ma fille ! Que t’arrive-t-il ?
Aussitôt Gautier avait tiré sur les rênes. Vincent, lui, n’était pas dupe : elle prétendait un malaise pour dissuader son père de hâter la cadence ; il lui en sut, à l’instant, une gratitude infinie...
Du côté de Senlis, ils s’arrêtèrent dans un relais, le temps de panser les chevaux et d’avaler un morceau.
Gautier ayant été requis du côté des écuries, les jeunes gens se trouvèrent un moment seuls, côté à côté sur un banc de fortune. Le temps, pour l’un et
Weitere Kostenlose Bücher