Madame Catherine
d’étain, lui parut acceptable.
Elle sortit donc la tête haute, tout excitée à l’idée de découvrir « le plus étonnant village du monde ».
— S’il vous plaît, mon ami, demanda-t-elle à un laquais revêtu de la livrée des Montmorency, pourriez-vous m’indiquer le chemin de la ménagerie ?
Les indications recueillies furent plutôt vagues ; néanmoins Françoise trouva sans trop de mal le chemin des volières et des cages dont l’odeur, assez vite, acheva de la piloter. Quand elle croisait un gentilhomme de belle prestance, ou quelque dame dont le port trahissait la haute naissance, la jeune fille se fendait d’une courbette si bien troussée, si prestement effacée, qu’elle donnait parfaitement le change. Deux ou trois fois, elle eut même la surprise et la confusion de voir de beaux messieurs la saluer très bas, comme s’ils la prenaient pour une grande demoiselle...
Elle passa du temps devant la cage des singes verts, et oubliant bientôt l’ennui de ses dernières heures, prit plaisir à voir évoluer ces sortes de lutins nerveux. Ils paraissaient surtout occupés à s’épouiller entre eux... Ne sachant trop que leur donner, elle ramassa par terre quelques pelures d’agrumes, et tenta de les jeter à travers le grillage. Les singes passèrent outre ; ils ne se donnèrent même pas la peine d’inspecter de plus près ce don improvisé.
Françoise s’apprêtait à quitter la partie quand une voix juvénile, dans son dos, la figea sur place.
— Vos pelures ne leur plaisent pas. Ce qu’il leur faut, ce sont des amandes.
On joignit aussitôt le geste à la parole, provoquant le plus grand désordre au sein de la cage. La jeune fille rit de bon coeur.
— C’est que je n’ai pas d’amandes, dit-elle en se retournant.
Ses joues se teintèrent.
— Si ce n’est que ça, je peux vous en vendre, rétorqua le jeune insolent.
Françoise lui décocha un regard incrédule, qui le fit rire à son tour.
— Je plaisante ! Tenez, prenez celles-ci.
Il lui tendit une poignée d’amandes puis, fouillant dans la sacoche nouée à sa ceinture, en ressortit une autre, qu’il entreprit de dévorer lui-même.
— Si vous mangez tout, il n’y en aura plus pour les singes, observa-t-elle pour dire quelque chose.
— Vos propos sont d’une logique imparable, conclut-il d’un ton soudain méprisant.
Françoise n’aurait su dire pourquoi, mais ce garçon lui sembla, dès le premier contact, et très désagréable, et très agréable. Tout en lui – sa tignasse brune en bataille, ses yeux un peu ronds sur un visage de chérubin, sa gracilité apparente mêlée à l’appétit le plus sauvage – tout la perturbait au point d’entamer son souffle.
« Va-t’en, je t’adore ! » aurait-elle pu lui dire avec lucidité ; ou plutôt : « Reste ici, je te déteste ! » Mais elle déclara seulement qu’elle ne connaissait pas cette variété de singes.
— J’ignore leur nom, confessa-t-il en gobant les ultimes amandes, et cela m’est bien égal. Et vous, le vôtre ?
— Je... Pardonnez-moi ! s’émut la jeune fille en se sentant rougir à présent jusqu’au blanc de l’oeil.
— Moi, c’est Vincent ! clama le grossier galant. Vincent Caboche. Vous êtes à Monseigneur ?
De plus en plus dépassée par ces questions absurdes, Françoise le scruta d’un air perdu ; elle n’avait même pas compris le sens de son propos.
— Je vois, reprit Vincent. Vous n’êtes pas de ce pays – je veux dire : de la Cour. Vous n’appartenez pas à la Cour.
— Je suis de noble lignage, se justifia Françoise.
— Mais pas présentée, ça se voit tout de suite. Ce n’est pas grave, vous savez...
Leur petit badinage fut interrompu par l’entrée, dans la ménagerie, de tout un cortège de personnages aux tenues éclatantes. De jeunes pages, armés de hauts plumets, éventaient quelques adolescents de leur âge, entourés d’obséquieux officiers. Vincent prit Françoise par la main et l’attira doucement dans un coin retranché.
— Voici le dauphin et les princes, murmurat-il. Vous n’avez pas été présentée, sinon je vous présenterais...
Quand il parlait ainsi, Françoise se demandait s’il n’était pas un peu fou.
— Je vous expliquerai.
Puis il ajouta six mots qu’elle comprit, pour une fois, de manière limpide.
— Je vous trouve très jolie. Vraiment !
Elle leva les yeux au ciel. « Va-t’en, je t’adore ! »
Vincent sut
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