Madame Catherine
l’autre, paraissait suspendu ; et après un moment de flottement, la main de Vincent glissa sur le bois jusqu’aux jupes de Françoise. Puis, voyant qu’elle le laissait faire, il osa frôler sa jambe à travers l’étoffe. La gorge un peu sèche et le rouge aux tempes, il s’efforça de demeurer le plus longtemps possible dans cette douce proximité. Françoise baissait la tête et tentait de trouver une contenance. Elle était si merveilleuse, en cet instant d’éternité !
— Vous... Vous devriez peut-être...
— Est-ce désagréable ?
— Oh, non ! Bien au contraire. Mais...
— Alors... Où est le mal ?
Le garçon n’avait pas achevé sa question que Coisay vint s’interposer.
— Voilà mon père ! s’affola Françoise.
La main se retira donc, mais en se promettant d’y revenir.
Chapitre III
La reine régente
(Printemps 1552)
Comment faire entrer des manoeuvres et des batailles, des mouvements de population, une diplomatie à l’échelle de l’Europe – le tout dans un roman volontairement subjectif et fragmentaire ? En multipliant les aperçus, les perspectives et les coups d’oeil sur la plus vaste toile de fond possible. C’est ce qu’essaie d’accomplir ce chapitre, notamment.
En faisant reparaître, ici, le mage qui ouvrait le premier volet, mon intention était de souligner la continuité, les correspondances, voire les jeux d’écho qui se déploient sur l’ensemble de la série. Car, bien que chaque épisode soit conçu comme un tout, c’est à l’élaboration d’un triptyque que j’aurai consacré l’essentiel de ce travail.
De Vitry à Joinville.
Pillé, brûlé, rasé par Charles Quint huit ans plus tôt, le vieux bourg de Vitry avait été rebâti, mais une lieue plus loin en direction de Troyes. Ses rues toutes récentes, en échiquier, sa nouvelle grand-place et ses perspectives en devenir étaient comme la réponse du jeune roi au vieil empereur : la France ne mourrait pas si aisément ; elle renaîtrait de ses cendres, encore et toujours, produisant de nouvelles forces à opposer à l’ennemi.
En ce pimpant matin d’avril, ce ne furent pas moins de quinze mille fantassins – dont cinq mille équipés d’arquebuses flambant neuves – qui défilèrent ainsi devant Henri II à cheval, sous le commandement de Coligny, neveu du connétable. Ils étaient suivis d’autant de lansquenets allemands, menés par leurs colonels, Schärtlein et le rhingrave Reckrod. Car depuis janvier, un traité signé à Chambord avec les princes d’outre-Rhin avait scellé une alliance offensive contre les Habsbourg – ouvrant au royaume des lys des horizons vers l’est, à commencer par l’occupation des trois évêchés de Verdun, Toul et Metz !
Comment le roi de France pouvait-il, dans le même temps, s’allier ainsi aux luthériens du dehors, et massacrer ceux du dedans ? C’étaient là mystères de haute politique...
— En renouant l’alliance des Francs avec les Germains, Votre Majesté se rend presque invincible, flatta Montmorency en se penchant vers le roi.
Son cheval fit un pas de côté.
— Sans votre diplomatie, lui concéda Henri, et sans de bonnes finances pour la soutenir, cette alliance serait lettre morte... Au reste, je trouve belle allure à votre neveu.
Le connétable se rengorgea : malgré leurs choix religieux, il ne pouvait se déprendre d’une certaine tendresse pour ses neveux, spécialement Coligny.
En tout, c’étaient près de cinquante mille hommes – dont plus de quatre mille cavaliers – qu’on avait réunis en vue de libérer l’Allemagne du joug de Charles Quint. But sacrilège, au demeurant, selon les vues de Montmorency : n’avait-il pas, depuis des décennies, oeuvré à la paix avec l’empereur ? Il fallait en passer par là ; et cette volte-face inouïe avait été le prix de son retour en grâce... En échange, la duchesse de Valentinois avait absous le sanglier de ses crimes et gratifié sa lignée d’un brevet de duc et pair – dignité jamais encore octroyée à de simples gentilshommes ! À croire que les haines de « Madame » étaient comme ses amours : moins aveugles qu’utiles...
Un nuage opaque occulta le soleil un moment, jetant une ombre sur les trophées de la place, ornés de la salamandre de Vitry, du bonnet républicain à l’antique, emblème de la nouvelle alliance, et de la devise en latin « Pro Patria »... Les deux cents gentilshommes de la Maison du
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