Madame de Montespan
inaperçue au sein de sa troupe. Mais cette donzelle-là était moins facile, plus craintive que la précédente ; elle prit peur et se réfugia chez les religieuses.
Tempête sous le crâne du marquis ! Puisqu’il en est ainsi, il postera ses cavaliers autour du couvent, terrorisera les nonnes et fera mine de donner l’assaut ! Crainte de la justice divine ? Toujours est-il qu’il n’investira pas cet asile. L’affaire, cependant, vint aux oreilles de l’inévitable Macqueron, l’intendant en Roussillon, lequel s’empressa d’adresser un rapport à Louvois. Deux années plus tôt, pour l’affaire du bailli rossé (qui était pourtant plus grave que celle du couvent menacé), le ministre avait fermé les yeux. Aujourd’hui, les rôles avaient changé. Louvois n’avait plus rien à gagner à protéger l’irréductible. Plus de ménagements ! Assez de dragonnades amoureuses ! Et il obtint un ordre signé du Roi-Soleil (ravi) qui cassait la compagnie du Gascon.
Et subitement, le mari d’Athénaïs prend peur ! Il éperonne sa monture et... direction l’Espagne ! La scène se déroule en décembre 1669 – il emmène avec lui son fils Louis-Antoine, alors âgé de quatre ans ; Marie-Christine, son aînée d’un an, restera avec sa grand-mère. L’exil. De courte durée, il est vrai, puisqu’en avril suivant le sieur Macqueron recevra un courrier de Louvois lui annonçant la grâce de Montespan. Des lettres de rémission, signées Louis, à Saint-Germain, le 28 août 1670, et enregistrées par le parlement de Toulouse, le 13 octobre suivant, confirmeront cette clémence. Difficilement explicable. Faut-il y voir une intervention d’Athénaïs, inquiète de savoir son bambin, futur duc d’Antin, sur les routes d’Espagne avec un père impécunieux et vivant aventureusement ? Saint-Simon ne pouvait admettre cette thèse, car il affirma toujours que la mère fut une marâtre pour son fils jusqu’à l’époque où le repentir chrétien toucha son âme. Il faut croire, plutôt, que le Roi craignait que l’impulsif cocu ne s’en allât conter ses mésaventures à la dévote cour d’Espagne, et il lui aurait donc accordé un pardon hâtif, par précaution diplomatique !
Il est certain que Louis XIV, tout-puissant qu’il fût, se trouvait alors fort mal à l’aise vis-à-vis du marquis de Montespan, une de ses rares « victimes » qui ait osé lui tenir tête. On a même écrit qu’il lui aurait offert de pleines brassées de livres en dédommagement de sa honte. La Baumelle, par exemple, l’historien de Mme de Maintenon – et l’ennemi de Voltaire –, est catégorique : « Cent mille écus furent pour le marquis le prix de sa femme, de son silence, de sa lâcheté. » Au XIX e siècle, Sainte-Beuve lui aussi sera adepte de cette théorie. Il est vrai que Bussy-Rabutin avait tracé la voie dans ce même sens, en affirmant gravement que le marquis reçut « deux cent mille francs pour se consoler de la perte qu’il avait faite ». Mais, ainsi qu’on l’a vu quelques lignes plus haut, puisque le bon Bussy était exilé en Bourgogne depuis 1665, on ne peut le considérer que comme un simple écho. Qui plus est, il ne faut pas ignorer que cet auteur aimait les sujets à scandale et qu’ici, il trouvait la matière ! « Comme le Roi, écrit-il, était un amant délicat et qu’il ne pouvait souffrir qu’un mari partageât avec lui les faveurs de sa maîtresse, il résolut de l’éloigner... » moyennant finances et sous le prétexte de grands emplois. Saint-Simon, qui aimait pourtant les trous de serrure, ne dit rien de ce bakchich. Or le mémorialiste minutieux qu’il était l’aurait sans doute signalé s’il avait réellement existé. À ce sujet, la Palatine elle-même fait des gorges froides : «Je crois que si le Roi avait voulu donner beaucoup, le marquis de Montespan se serait apaisé... »
Enfin, il est bon de signaler qu’aucune pièce comptable n’existe de cet éventuel marchandage ou n’a été découverte jusqu’à ce jour. Nulle trace écrite, donc, d’une solide pension du Roi pour amener le rebelle à une certaine compréhension.
Mais cependant que l’extravagant vivotait sur les routes du royaume de Charles II le dégénérescent, rejeton vacillant d’une race en bout de course, un de ses défenseurs (le seul ?) se manifestait à la cour. Un éminent personnage que l’on écoutait, car il parlait haut et prêchait fort : il avait nom Henri
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