Madame de Montespan
Colbert, plus connu sous le nom de Sallo, créateur du premier périodique français : Le Journal des savants. Michel Korybut devient roi de Pologne, au grand dam du Grand Condé qui avait longtemps brigué ce trône. Racine donne Britannicus.
1669 : le Roi-Soleil est dans sa trente et unième année. De même la reine Marie-Thérèse. Athénaïs a vingt-neuf ans. Vingt-cinq pour Louise de La Vallière et trente-trois pour Mme Scarron bientôt Maintenon.
Au début de cette année, selon Ludovic Lalanne, qui prend ses sources dans Y Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV, la cour étant à Saint-Germain, s’occupait alors beaucoup de sorciers et de divination. Le Roi ne fut pas, par la suite, exempt de cette faiblesse. Mais à l’époque il s’intéressait peu à ces jongleries, moins par réflexion que par légèreté de son âge. Quoi qu’il en soit, il fut instruit que des courtisans qui habitaient l’étage supérieur du château devaient y faire venir une fameuse devineresse de Paris ; il eut la curiosité de l’entendre ; et la société consentit à l’admettre, bien déguisé, dans son petit sabbat ; quand son tour de consulter fut venu, la magicienne le dévisagea attentivement et lui dit « qu’il était marié, mais galant et à bonnes fortunes ; qu’il deviendrait veuf et qu’il se prendrait de passion pour une veuve surannée, de basse condition, le rebut de tout le monde ; qu’il l’épouserait et aurait un tel aveuglement pour elle qu’elle le gouvernerait et le mènerait, toute sa vie, par le bout du nez ».
Il paraît qu’à cet instant le Roi suffoqua de rire.
Mars 1669 : à la fin de ce mois, la veuve Scarron était choisie pour veiller à l’éducation du premier enfant d’Athénaïs et de Louis Soleil ! Une fillette délicieuse, dit-on, qui avait été conçue en juillet précédent, un soir des grandes fêtes de Versailles données pour célébrer le retour de la paix. Sans vergogne, on la prénomma Louise. Un prénom royal certes, mais un accouchement discret dans une petite maison offerte par le Roi à sa maîtresse, rue de l’Échelle, à côté du Louvre et des Tuileries. Un accouchement secret, car il ne s’agissait plus seulement d’éviter à la Reine un démérite public, il fallait encore se garantir contre les frasques d’un homme comme M. de Montespan. Le scandale, avec lui, pouvait être désastreux. En outre il aurait eu le droit, selon la loi romaine, de revendiquer cet enfant.
Mais il n’en fit rien. Trop occupé qu’il était à courir la gourgandine à Ille-sur-Têt et à célébrer les obsèques de sa femme infidèle !
À peine arrivé à Bonnefont en Bigorre, « pays de rocaille et de soleil où les têtes s’échauffent rapidement, où l’on retrousse sa moustache, où l’on brandit les colichemardes », il imagina en effet de convoquer le ban et l’arrière-ban de ses parents et amis, de leur annoncer la disparition de la marquise et de les prier d’assister à son enterrement en la chapelle du château. Surprenante comédie macabre, lors de laquelle il porta avec ostentation le deuil de... son honneur. Étrange simulacre, à placer dans la droite ligne de son irruption à Saint-Germain, durant lequel, capé de noir, froid comme le marbre, tenant par la main son jeune fils, Louis-Antoine, étonné, et la petite Marie-Christine, sa fille traumatisée, il suivit un carrosse drapé de crêpe, orné de cornes de cerf. Dans ce carrosse, un cercueil qui ne contenait rien d’autre que le souvenir d’Athénaïs. Parvenu enfin au parvis de la chapelle, il aurait eu ce mot :
— Que l’on ouvre les grandes portes à grands battants, car mes cornes sont si hautes qu’elles ne permettent pas de passer par la petite !
Quelle scène ! quel romantisme déjà, chez ce Montespan récalcitrant !
Mais il y a aussi du soldat : il s’ennuie, dans la « rustique solitude de Bonnefont ». La condition de gentilhomme campagnard lui convient si peu que, profitant de la réorganisation de l’armée – oeuvre de Le Tellier, père de Louvois – il sollicite et obtient de reprendre le commandement de sa compagnie de cavalerie en Roussillon. Un geste magnanime du Roi-Soleil pour ce mari ombrageux, mais soldat robuste.
Il y avait en lui du soudard : à Ille-sur-Têt, il s’amouracha d’une roturière catalane et lui proposa – il avait déjà agi de la sorte à Perpignan ! de la travestir pour qu’elle passât
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