Madame de Montespan
fredaines ne dura guère. Quand elle eut atteint le cap du demi-siècle, Mme de Maintenon ne régna plus souverainement sur les sens du Roi-Soleil. Elle fit mieux d’ailleurs, elle régna sur l’esprit. Et si Louis XIV la remettait parfois à sa place en lui lançant brutalement : « De quoi vous mêlez-vous ? », il l’écoutait pourtant, il estimait son bon sens, il appréciait son tact, sa subtilité, son esprit politique. Il aimait la fermeté de son caractère. Il ne demandait jamais « qu’en pensez-vous, Madame ? » Non, il disait : « Qu’en pense votre Solidité ? »
Révolus donc, les temps dominés par « la sauvagerie du sexe ». En épousant la veuve Scarron son aînée à l’heure où l’on regarde naturellement vers la jeunesse, conscient qu’il ne pourra bientôt plus espérer que des satisfactions de coeur et d’esprit, Louis XIV appartient désormais aux intellectuels du sentiment. D’ailleurs, précise le libertin abbé de Choisy, « il était temps pour la santé de son corps et pour celle de son esprit, qu’il songeât à une autre vie ! ».
Finis les abus, certes, mais le Roi-Soleil, jusqu’à un âge relativement avancé, ne se privera pas de « passer sa fantaisie » dans les bras de « Madame Quatorze ». Elle-même l’avouera, d’ailleurs :
— Je songeais à l’amuser pour le retirer des femmes, ce que je n’aurais pu faire s’il ne m’avait trouvée complaisante et toujours égale. Il aurait été chercher son plaisir ailleurs, s’il ne l’avait trouvé avec moi.
Toujours au service du Roi, peut-être, mais pas toujours de gaieté de coeur ! On la rencontrera, par exemple, un jour, dans un confessionnal, se plaignant des « occasions pénibles » que faisait naître trop souvent à son goût son royal époux ! Or, au jour de cette confession... Mme de Maintenon était âgée de soixante-dix ans !
La réaction de Mme de Montespan devant cette nouvelle situation ? Apparemment aucune. D’autant plus que le Roi n’avait rien changé à ses habitudes : tous les jours, de 9 heures à midi, entretien avec ses ministres. Entretien suivi d’un petit air de messe puis, avant de passer à table, visite à Athénaïs. Le soir, après le repas, il renouvelait cette visite. Plus longuement. Il restait avec « la Royale Montespan » de 22 heures à minuit ! Deux visites quotidiennes de Louis Soleil à la mère des princes légitimés. C’est dire qu’elle n’était pas méprisée ! C’est dire que l’affaire des poisons n’avait – et pour cause ! laissé aucune trace ! Mieux, le Roi continuait de la combler de cadeaux, de ne rien lui refuser. Il lui prêtait sa musique, l’Opéra, ses danseurs, pour qu’elle pût donner de folles mascarades qui amusaient les courtisans et montraient bien que Mme de Montespan vivait toujours sur un grand pied ! En septembre 1685 encore, si le Roi part pour Chambord, Athénaïs l’accompagne. Ce ne sont donc pas là les signes d’une irrémédiable défaveur ! Assurément, tous ceux qui ont estimé ou estiment encore que Louis XIV ne la conserva à Versailles que pour lui faire plus cruellement expier sa faute, ceux-là se leurrent. Que penser, par exemple, de cette pièce trouvée aux Archives nationales {46} qui nous montre, noir sur blanc, que le Roi, le 2 février 1681, a donné à Athénaïs le pouvoir de signer au nom du duc du Maine ? Aurait-il délivré un tel certificat à l’héroïne des messes noires ?
Elle-même, dont la générosité n’était jamais en reste, offrit à son (ex ?) amant, pour ses étrennes, le 1 er janvier 1685, un livre relié d’or qui lui avait coûté 4 000 pistoles et qui contenait les vues en miniature des villes de Hollande emportées lors de la campagne de 1672. Les commentaires élogieux étant écrits, comme il se doit, par Boileau et Racine.
Janvier 1685 : c’est alors que les nuages apparaissent. Athénaïs apprend qu’elle doit quitter son bel appartement de Versailles, les nombreuses pièces qu’elle occupait au premier étage du château, pour s’installer au rez-de-chaussée, dans une suite plus réduite : l’appartement des bains dont on ôtera les marbres et que l’on parquettera pour le rendre logeable en hiver. Moins de luxe, peut-être, mais géographiquement plus près du Roi ? Non, affirme le marquis de Dangeau dans son Journal de la cour : « Ce petit appartement de Mme de Montespan n’était pas contigu au derrière du
Weitere Kostenlose Bücher