Madame de Montespan
Fagon, qui par grand malheur était alors son médecin, la fit saigner ; cela fit crever l’abcès de l’intérieur. Tout tomba sur le coeur et l’émétique qu’il lui donna là-dessus acheva de l’étouffer ».
Le 30 juillet au matin, Louis XIV avait communié avec l’agonisante. Il avait aussi versé une larme. Marie-Thérèse était âgée de quarante-cinq ans. Selon Mme de Caylus, le Roi fut plus attendri qu’affligé, il la pleura comme on pleure une bonne et sainte carmélite.
— C’est le premier chagrin qu’elle m’ait fait, aurait-il déclaré en quittant Versailles pour Saint-Cloud ainsi que le voulait l’étiquette.
Marie-Thérèse ne lui manquerait pas beaucoup. Elle lui avait donné six enfants (un de moins que Mme de Montespan), elle était pleine de qualités, sans doute, mais elle lui avait aussi montré, en un quart de siècle de vie peu commune, qu’il ne suffit pas d’être infante pour avoir du charme et de l’esprit.
Le Roi, donc, est veuf. Et déjà toute la cour s’interroge : que va-t-il faire ? Va-t-il retomber sous le joug d’une maîtresse ? Non, la Montespan l’en a dégoûté ! Alors ? Va-t-il se remarier ? Il a rempli correctement ses devoirs dynastiques ! Non, il ne va pas recommencer une pareille union !
— Si ! Il faut le remarier au plus vite, trancha Athénaïs. Sans cela, tel que je le connais il fera un mauvais mariage plutôt que de n’en point faire {44} .
Le « mauvais mariage » aura lieu pourtant. Celui-là même que Mme de Montespan pressentait, redoutait. Le duel mené pendant des années contre la Maintenon allait donc tourner à son entier désavantage. Une chose la rassurait sans doute : elle restait la mère des princes légitimés : la garantie d’une toujours belle situation à la cour. Mais une autre l’inquiétait : et si la Maintenon devenait reine de France ? Athénaïs serait alors surintendante de l’ex-gouvernante de ses enfants ! Impensable, évidemment. Elle abandonnerait aussitôt sa charge.
«L’Histoire ne le croira point », écrivait Saint-Simon à propos de cette union qui fut vraisemblablement bénie par Mgr Harlay de Champvallon, archevêque de Paris, à l’automne de 1683 ; une union qui ne fera jamais de la veuve Scarron qu’une épouse morganatique. Et si elle fut autorisée à porter l’hermine réservée aux reines, ainsi qu’on peut le voir sur certain tableau de Mignard, c’est sans doute pour qu’elle soit un peu moins « enrhumée » {45} !
Un mariage politique n’aurait-il pas été préférable ? Un de ces mariages qui se décident lors des conseils des ministres ; le choix d’une princesse un peu niaise, triste et farouche, l’index posé sur la carte du monde ? Non, il n’en était plus temps : un fils et deux petits-fils n’assuraient-ils pas l’avenir du trône ?
Alors c’est avec le doigt posé sur la carte du tendre que le Roi-Soleil tranchera : ce sera Mme de Maintenon : beaucoup d’esprit, doux parfois, parfois insinuant, des yeux vifs, une conversation agréable. « Il était ravi de trouver une femme qui ne lui parlait que de vertu », sourit l’abbé de Choisy (pour qui la vertu avait beaucoup de secrets !). Une femme qui, quoique « hors d’état d’avoir des enfants du fait de son âge », avait conservé quelques restes de beauté. Et Louis XIV n’était pas homme à en faire fi. Il paraît, en effet, que malgré ses quarante-huit ans le « très beau corsage », qui naguère avait tant plu à Scarron, n’était pas encore tombé dans le domaine des souvenirs et qu’il plaisait beaucoup à Sa Majesté, lorsqu’il aimait, avec Mme de Maintenon, à franchir les bornes de l’amitié. Il paraît d’ailleurs qu’il ne fallait pas lui faire violence pour qu’elle prît plaisir à les franchir ! Car malgré des apparences pudibondes et bigotes, elle savait bien « battre le velours » ! Saint-Simon nous a déjà confié qu’étant jeune elle avait « fort rôti le balai », aujourd’hui, s’amuse Bussy-Rabutin dans son Histoire amoureuse des Gaules, « elle ne manque pas de caresser le Roi autant qu’il est possible et elle est du nombre de celles qui sont très sensibles aux caresses que les femmes aiment à se prodiguer entre elles en témoignage de leur mutuelle tendresse ». On n’ignore pas, en effet, qu’elle avait fait quelques voyages à Lesbos avec un guide nommé Ninon de Lenclos.
En réalité, la saison des
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