Madame de Montespan
enfermée dans le tiroir d’un meuble puis repartir en toute hâte pour Paris, sans avoir proféré une seule parole. Cet inconnu n’était autre que le duc d’Antin. On n’a jamais su quel mystère recelait cette cassette... »
Antin, donc, a quitté Bourbon sans distribuer aucun ordre. Une désertion ou une fuite ? Mme de Coeuvres est alitée. Elle n’a pas supporté que l’on ait laissé entendre qu’elle était responsable, un peu, de la mort de Mme de Montespan. Elle aurait donné trop de vomitif et « les efforts provoqués par ce remède furent si grands qu’une veine rompue, pendant la violence de ces efforts, fut cause de la mort ».
Ne restent que quelques servantes chargées des derniers soins.
« Les obsèques, dit Saint-Simon pour qui les préséances n’ont aucun secret, furent à la discrétion des moindres valets. »
Mais avant les funérailles, il fallait une autopsie, il fallait embaumer, et il fallait surtout respecter les volontés de la marquise défunte : elle avait en effet souhaité que son coeur aille au couvent de La Flèche {63} ses entrailles au prieuré de Sainte-Menoux {64} , son corps enfin devait trouver l’éternel repos en l’abbaye de Saint-Germain.
Hélas, le médicastre qui procéda au « fatal procès-verbal d’ouverture » était ignare ! « Ce corps, autrefois si parfait, devint la proie de la maladresse et de l’ignorance du chirurgien de la femme Legendre, intendant de Montauban, qui était venu prendre les eaux {65} . »
Un beau sujet de tragédie que cette fin de la marquise de Montespan ! Mais il y a de la tragi-comédie aussi, notamment lorsque les chanoines de la Sainte-Chapelle et les prêtres de la paroisse de Bourbon en sont venus à se frictionner la barrette, chacun revendiquant les restes mortels de la favorite et tirant la dépouille à soi !
Conséquence de cette rivalité, les obsèques furent misérables : « Un véritable combat s’était engagé entre les Capucins et le clergé séculier au moment d’entrer à l’église, la bière fut posée à terre et les portes fermées. Pour cette fois les prêtres l’auraient emporté sur les chanoines... mais l’église resta presque déserte jusqu’à la fin de la messe. »
Et Athénaïs y demeurera en dépôt jusqu’à ce qu’Antin prît une décision ! Ce texte, qui figurait dans les papiers paroissiaux de Bourbon-l’Archambault et qui est signé
« Pétillon, archiprêtre, curé de la ville d’eaux », nous montrera que le cadavre d’Athénaïs avait été ni plus ni moins déposé là... comme à la consigne ! « Aujourd’hui, 28 mai 1707, par moy, curé sous signé a esté apporté en cette église le corps de Mme Marie-Françoise de Rochechouart de Montespan, surintendante de la Reine, décédée en cette ville, le vendredy 27, après avoir reçu tous les sacrements et où elle repose jusqu’à ce qu’on en dispose autrement. »
Et un beau jour de juillet, en effet, Antin se souvint du corps de sa mère en souffrance à Bourbon-l’Archambault ! Il prit une décision : point d’inhumation à Saint-Germain comme elle l’avait désiré, non, il ne fallait pas que, morte, elle se rapprochât encore de Versailles ! La sépulture de Poitiers, dans l’église des Cordeliers où gisait déjà Diane de Grandseigne sa mère, conviendrait.
Athénaïs parvint donc à Poitiers le 3 août 1707 au soir et fut déposée, à la lueur des torches, dans « la chapelle de vermeil de l’église de céans ». Demain, on l’ensevelira sous le mausolée de marbre noir qui recouvrait le tombeau des Mortemart. Elle reposera donc au côté de sa mère, du maréchal de Vivonne, son frère, et de tant d’autres glorieux ancêtres ou parents inhumés là, dans le choeur des Cordeliers de Poitiers depuis 1595.
Une première alerte, en 1761, quand la voûte s’effondrera. Plus de peur que de mal, cette fois, la tombe d’Athénaïs ne fut pas trop meurtrie. Une deuxième, fatale, celle-là, trente ans après, le 2 septembre 1791, lorsque les révolutionnaires frappèrent. Il fallait se venger, il fallait se distraire, il fallait détruire. Il fallait du bronze pour les canons ! Le bronze des sculptures par exemple ! Il fallait du plomb pour les balles ! Pourquoi pas le plomb des cercueils ! Ainsi la tombe des Mortemart fut-elle saccagée quelques mois avant celle des rois de Saint-Denis.
Restait le marbre noir : il fut sauvé. Il voyagea jusqu’au château des
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