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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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dans toutes les
chambres, regardant jusque sous les lits, et nous pensions qu’elle
s’était sauvée chez quelque voisine.
    Dans cet intervalle, on finit par se rendre
maître du feu, et tout à coup nous entendîmes les Autrichiens crier
dehors : « Place… place… En arrière ! »
    En même temps, un régiment de Croates passa
devant chez nous comme la foudre. Ils s’élançaient à la poursuite
des Républicains ; mais nous apprîmes le lendemain qu’ils
étaient arrivés trop tard ; l’ennemi avait gagné les bois de
Rothalps, qui s’étendent jusque derrière Pirmasens. C’est ainsi que
nous comprîmes enfin pourquoi ces gens avaient barricadé la rue et
mis le feu aux maisons : ils voulaient retarder la poursuite
de la cavalerie, et cela montre bien leur grande expérience des
choses de la guerre.
    Depuis ce moment jusqu’à cinq heures du soir,
deux brigades autrichiennes défilèrent dans le village sous nos
fenêtres : des uhlans, des dragons, des houzards ; puis
des canons, des fourgons, des caissons ; puis vers trois
heures, le général en chef, au milieu de ses officiers, un grand
vieillard coiffé d’un tricorne et vêtu d’une longue polonaise
blanche, tellement couverte de torsades et de broderies d’or, qu’à
côté de lui le commandant républicain, avec son chapeau et son
uniforme râpés, n’aurait eu l’air que d’un simple caporal.
    Le bourgmestre et les conseillers d’Anstatt,
en habit de bure à larges manches, la tête découverte,
l’attendaient sur la place. Il s’y arrêta deux minutes, regarda les
morts entassés autour de la fontaine, et demanda :
    – Combien d’hommes les Français
étaient-ils ?
    – Un bataillon, Excellence, répondit le
bourgmestre courbé en demi-cercle.
    Le général ne dit rien. Il leva son tricorne
et poursuivit sa route.
    Alors arriva la seconde brigade : des
chasseurs tyroliens en tête, avec leurs habits verts, leurs
chapeaux noirs à bord retroussés, et leurs petites carabines
d’Insprück à balles forcées ; puis d’autre infanterie en habit
blanc et culotte bleu de ciel, les grandes guêtres remontant
jusqu’au genou ; puis de la grosse cavalerie, des hommes de
six pieds enfermés dans leurs cuirasses, et dont on ne voyait que
le menton et les longues moustaches rousses sous la visière du
casque ; puis enfin les grandes voitures de l’ambulance,
couvertes de toiles grises, tendues sur des cerceaux, et derrière,
les éclopés, les traînards et les poltrons.
    Les chirurgiens de l’armée firent le tour de
la place. Ils relevèrent les blessés, les placèrent dans leurs
voitures, et l’un de leurs chefs, un petit vieillard à perruque
blanche, dit au bourgmestre en montrant le reste :
    – Vous ferez enterrer tout cela le plus
tôt possible.
    – Pour vous rendre mes devoirs, répondit
le bourgmestre gravement.
    Enfin les dernières voitures partirent ;
il était environ six heures du soir. La nuit était venue. L’oncle
Jacob se tenait sur le seuil de la maison avec moi. Devant nous, à
cinquante pas, contre la fontaine, tous les morts, rangés sur les
marches, la face en l’air et les yeux écarquillés, étaient blancs
comme de la cire, ayant perdu tout leur sang. Les femmes et les
enfants du village se promenaient autour.
    Et comme le fossoyeur Jeffer avec ses deux
garçons, Karl et Ludwig, arrivaient la pioche sur l’épaule, le
bourgmestre leur dit :
    – Vous prendrez douze hommes avec vous,
et vous ferez une grande fosse dans la prairie du Wolfthâl pour
tout ce monde-là ; vous m’entendez ? Et tous ceux qui ont
des charrettes et des tombereaux devront les prêter avec leur
attelage, car c’est un service public.
    Jeffer inclina la tête et se rendit tout de
suite à la prairie du Wolfthâl, avec ses deux garçons et les hommes
qu’il avait choisis.
    – Il faut pourtant bien que nous
retrouvions Lisbeth, me dit alors l’oncle.
    Nous recommençâmes nos recherches, du grenier
à la cave, et seulement à la fin, comme nous allions remonter, nous
vîmes derrière notre tonne de choucroute, entre les deux soupiraux,
un paquet de linge dans l’ombre, que l’oncle se mit à secouer.
Aussitôt Lisbeth, d’une voix plaintive, s’écria :
    – Ne me tuez pas ! Au nom du ciel,
ayez pitié de moi !
    – Lève-toi, dit l’oncle avec bonté ;
tout est fini !
    Mais Lisbeth était encore si troublée, qu’elle
avait de la peine à mettre un pied devant l’autre, et qu’il me
fallut

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