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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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distance.
    Mais le carré pliait, il formait un
demi-cercle au milieu ; le centre touchait presque la
fontaine. À chaque coup de lance, arrivait la parade de la
baïonnette comme l’éclair, mais quelquefois l’homme s’affaissait.
Les Républicains n’avaient plus le temps de recharger ; ils ne
tiraient plus, et les uhlans arrivaient toujours, plus nombreux,
plus hardis, enveloppant le carré dans leur tourbillon, et poussant
déjà des cris de triomphe, car ils se croyaient vainqueurs.
    Moi-même, je croyais les Républicains perdus
lorsque, au plus fort de l’action, le commandant, levant son
chapeau au bout de son sabre se mit à chanter une chanson qui vous
donnait la chair de poule, et tout le bataillon, comme un seul
homme, se mit à chanter avec lui.
    En un clin d’œil tout le devant du carré se
redressa, refoulant dans la rue toute cette masse de cavaliers,
pressés les uns contre les autres, avec leurs grandes lances, comme
les épis dans les champs.
    On aurait dit que cette chanson rendait les
Républicains furieux ; c’est tout ce que j’ai vu de plus
terrible ! Et depuis j’ai pensé bien des fois que les hommes
acharnés à la bataille sont plus féroces que les bêtes
sauvages.
    Mais ce qu’il y avait encore de plus affreux,
c’est que les derniers rangs de la colonne autrichienne, tout au
bout de la rue, ne voyant pas ce qui se passait à l’entrée de la
place, avançaient toujours criant ! « Hourrah !
hourrah ! » de sorte que ceux des premiers rangs poussés
par les baïonnettes des Républicains, et ne pouvant plus reculer,
s’agitaient dans une confusion inexprimable et jetaient des cris de
détresse ; leurs grands chevaux, piqués aux naseaux, se
dressaient, la crinière droite, les yeux hors de la tête, avec des
hennissements grêles et des ruades épouvantables. Je voyais de loin
ces malheureux uhlans, fous de terreur, se retourner, en frappant
leurs camarades du manche de leurs lances pour se faire place, et
détaler comme des lièvres le long des petites cassines.
    Deux minutes après, la rue était vide. Il
restait bien encore vingt-cinq ou trente de ces pauvres diables,
enfermés dans la place. Ils n’avaient pas vu la retraite et
semblaient tout déconcertés, ne sachant par où fuir ; mais ce
fut bientôt fini : une nouvelle décharge les coucha sur le
dos, sauf deux ou trois qui s’enfoncèrent dans la ruelle des
Tanneurs.
    On ne voyait plus que des tas de chevaux et
d’hommes morts ; le sang coulait au-dessous et suivait notre
rigole jusqu’au guévoir.
    – Cessez le feu ! cria le commandant
pour la seconde fois : chargez !
    Dans le même instant neuf heures sonnaient à
l’église. Le village en ce moment n’est pas à dépeindre ; les
maisons criblées de balles, les volets pendant à leurs gonds, les
fenêtres défoncées, les cheminées chancelantes, la rue pleine de
tuiles et de briques fracassées, les toits des hangars percés à
jour, et ce tas de morts, ces chevaux bousculés, se débattant et
saignant : on ne peut se le figurer.
    Les Républicains, diminués de moitié, leurs
grands chapeaux penchés sur le dos, l’air dur et terrible,
attendaient l’arme au bras. Derrière, à quelques pas de notre
maison, le commandant délibérait avec ses officiers. Je l’entendais
très bien :
    – Nous avons une armée autrichienne
devant nous, disait-il brusquement ; il s’agit de tirer notre
peau d’ici. Dans une heure, nous aurons vingt ou trente mille
hommes sur les bras, ils tourneront le village avec leur
infanterie, et nous serons tous perdus. Je vais faire battre la
retraite. Quelqu’un a-t-il quelque chose à dire ?
    – Non, c’est bien vu, répondirent les
autres.
    Alors ils s’éloignèrent, et deux minutes
après, je vis un grand nombre de soldats entrer dans les maisons,
jeter les chaises, les tables, les armoires dehors sur un même
tas ; quelques-uns, du haut des greniers, jetaient de la
paille et du foin ; d’autres amenaient les charrettes et les
voitures du fond des hangars. Il ne leur fallut pas dix minutes
pour avoir à l’entrée de la rue une barrière haute comme les
maisons ; le foin et la paille étaient au-dessus et
au-dessous. Le roulement du tambour rappela ceux qui faisaient cet
ouvrage ; aussitôt le feu se mit à grimper de brindille en
brindille jusqu’au haut de la barricade, balayant les toits à côté,
de sa flamme rouge, et répandant sa fumée noire comme une voûte
immense sur le

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