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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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les
écoutent ?… – N’est-ce pas l’esprit d’impureté ?
    – Oui, dit l’oncle, c’est abominable.
    – Eh bien, c’est pour eux, c’est pour
tous les mauvais pasteurs, que ces choses sont écrites, dit le
taupier.
    Puis il reprit :
    « En ce temps-là, il y aura aux montagnes
le bruit d’une multitude, tel que celui d’un grand peuple qui se
lève, un bruit de nation assemblée. C’est pourquoi les peuples
d’alentour écouteront, et tout cœur d’homme se fondra. Et les
orgueilleux seront éperdus ; le monde sera en travail comme
celle qui enfante ; les bons se regarderont avec des visages
enflammés ; ils entendront pour la première fois parler de
grandes choses ; ils sauront que tous sont égaux à la face de
l’Éternel, que tous sont nés pour la justice, comme les arbres des
forêts pour la lumière !
    – Est-ce bien écrit cela, mauser ?
demanda l’oncle.
    – Voyez-vous même, répondit le taupier en
lui remettant le livre.
    Alors l’oncle Jacob, les yeux troubles,
regarda :
    – Oui, c’est écrit, fit-il à voix basse,
c’est écrit ! Ah ! puisse l’Éternel accomplir de si
grandes choses de notre temps ! puisse-t-il réjouir notre cœur
d’un tel spectacle !
    Et s’arrêtant tout à coup, comme étonné de son
propre enthousiasme :
    – Est-il possible qu’à mon âge je me
laisse encore émouvoir à ce point ? Je suis un véritable
enfant.
    Il rendit le livre au mauser, qui dit en
souriant :
    – Je vois bien, monsieur le docteur, que
vous comprenez ce passage comme moi : ce bruit d’un grand
peuple qui se lève, c’est la France qui proclame les droits de
l’homme.
    – Comment ! vous croyez que cela se
rapporte à la Révolution française ? demanda l’oncle.
    – Eh ! à quoi donc ? fit le
mauser ; c’est clair comme le jour.
    Puis il remit ses besicles, qu’il avait ôtées,
et lut :
    « Il y a soixante et dix semaines pour
consommer le péché, pour expier l’iniquité et pour amener la
justice des siècles. Après quoi, les hommes jetteront aux taupes et
aux chauves-souris les idoles faites d’argent. Et plusieurs peuples
diront : « Forgeons les épées en hoyaux et les
hallebardes en serpes ! »
    En cet endroit, le mauser posa ses deux coudes
sur le livre, et se grattant la barbe, le nez en l’air, il parut
réfléchir profondément. Moi, je ne le quittais plus de l’œil ;
il me semblait voir des choses étranges, un monde inconnu s’agiter
dans l’ombre autour de nous ; le faible pétillement du feu et
les soupirs de Scipio, endormi près de moi, me produisaient l’effet
de voix lointaines, et même le silence m’inquiétait.
    L’oncle Jacob, lui, semblait avoir repris son
calme. Il venait de bourrer sa grande pipe et l’allumait avec un
bout de papier, en lançant deux ou trois grosses bouffées
lentement, pour bien laisser prendre le tabac. Il referma le
couvercle et s’étendit dans le fauteuil en exhalant un soupir.
    – « Les hommes jetteront leurs
idoles d’argent », fit le mauser, ça veut dire leurs écus,
leurs florins et leur monnaie de toute espèce. « Ils les
jetteront aux taupes », c’est-à-dire aux aveugles, car vous
savez, monsieur le docteur, que les taupes sont aveugles ; les
malheureux aveugles, comme le père Harich, sont de véritables
taupes ; ils marchent en plein jour dans les ténèbres, comme
s’ils étaient sous terre. Les hommes, dans ce temps-là, donneront
donc leur argent aux aveugles et aux chauves-souris. Par
chauves-souris, il faut entendre les vieilles femmes qui ne peuvent
plus travailler, qui sont chauves et qui se tiennent dans le creux
des cheminées, à la manière de Christine Besme, que vous connaissez
aussi bien que moi. Cette pauvre Christine est tellement maigre, et
conserve si peu de cheveux, que chacun pense en la voyant :
« C’est une chauve-souris. »
    – Oui, oui, oui, faisait l’oncle d’un ton
particulier, en balançant la tête lentement, c’est clair, mauser,
c’est très clair. Maintenant, je comprends votre livre ; c’est
quelque chose d’admirable !
    – Les hommes donneront donc leur argent
aux aveugles et aux vieilles femmes par esprit de charité, reprit
le mauser, et ce sera la fin de la misère en ce monde ; il n’y
aura plus de pauvres « dans soixante et dix semaines »,
qui ne sont pas des semaines de jours, mais des semaines de mois,
et « ils aiguiseront leurs épées en hoyaux » pour
cultiver la terre et

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