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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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leurs plus grands ennemis, quand le simple bon sens
devrait leur dire de se mettre avec nous, pour chasser tous ces
oppresseurs du pauvre peuple ; oui, c’est bien malheureux, et
voilà ce qui me fait plus de peine que tout le reste.
    Ayant parlé de la sorte, elle se recoucha, et
l’oncle Jacob, étonné de la justesse de ses paroles, resta quelques
instants silencieux.
    Le mauser et Koffel se regardaient sans rien
dire, mais on voyait bien que les réflexions de la Française les
avaient frappés et qu’ils pensaient : « Cette femme a
raison. »
    Au bout d’une minute seulement, l’oncle
dit :
    – Du calme, madame Thérèse, du calme,
tout ira mieux ; sur bien des choses nous pensons de même, et
si cela ne dépendait que de moi, nous ferions bientôt la paix
ensemble.
    – Oui, monsieur le docteur,
répondit-elle, je le sais, car vous êtes un homme juste, et nous ne
voulons que la justice.
    – Tâchez d’oublier tout cela, dit encore
l’oncle Jacob ; il ne vous faut plus maintenant que du repos
pour être en bonne santé.
    – Je tâcherai, monsieur le docteur.
    Alors nous sortîmes de l’alcôve, et l’oncle,
nous regardant tout rêveur, dit :
    – Voilà bientôt dix heures, allons nous
coucher, il est temps.
    Il reconduisit Koffel et le mauser dehors, et
poussa le verrou comme à l’ordinaire. Moi, je grimpais déjà
l’escalier.
    Cette nuit-là, j’entendis l’oncle se promener
longtemps dans sa chambre ; il allait et venait d’un pas lent
et grave, comme un homme qui réfléchit. Enfin, tout bruit cessa, et
je m’endormis à la grâce de Dieu.

X
     
    Le lendemain, lorsque je m’éveillai, la neige
encombrait mes petites fenêtres ; il en tombait encore
tellement qu’on ne voyait pas la maison en face. Dehors tintaient
les clochettes du traîneau de l’oncle Jacob, son cheval Rappel
hennissait ; mais aucun autre bruit ne s’entendait, tous les
gens du village ayant eu soin de fermer leurs portes.
    Je pensai qu’il fallait quelque chose
d’extraordinaire pour décider l’oncle à se mettre en route par un
temps pareil, et, m’étant habillé, je descendis bien vite savoir ce
que cela pouvait être.
    L’allée était ouverte ; l’oncle, enfoncé
dans la neige jusqu’aux genoux, son gros bonnet de loutre tiré sur
la nuque, et le col de sa houppelande relevé, arrangeait à la hâte
une botte de paille dans le traîneau.
    – Tu pars, oncle ? lui criai-je en
m’avançant sur le seuil.
    – Oui, Fritzel, oui, je pars, dit-il d’un
ton joyeux ; est-ce que tu veux m’accompagner ?
    J’aimais bien d’aller en traîneau, mais voyant
ces gros flocons tourbillonner jusqu’à la cime des airs, et,
songeant qu’il ferait froid, je répondis :
    – Un autre jour, oncle ;
aujourd’hui, j’aime mieux rester.
    Alors il rit tout haut, et, rentrant, il me
pinça l’oreille, ce qu’il faisait toujours lorsqu’il était de bonne
humeur.
    Nous entrâmes ensemble dans la cuisine, où le
feu dansait sur l’âtre et répandait une bonne chaleur. Lisbeth
lavait les écuelles devant la petite fenêtre à vitres rondes qui
donnait sur la cour. Tout était calme dans la cuisine ; les
grosses soupières semblaient briller plus que de coutume, et sur
leur ventre rebondi dansaient cinquante petites flammes, semblables
à celle du foyer.
    – Maintenant, tout est prêt, dit l’oncle
en ouvrant le garde-manger et fourrant dans sa poche une croûte de
pain.
    Il mit sous sa houppelande la gourde de
kirschenwasser, qu’il emportait toujours en voyage ; puis, au
moment d’entrer dans la salle, la main sur le loquet, il dit à la
vieille servante de ne pas oublier ses recommandations :
d’entretenir un bon feu partout, de laisser la porte ouverte, pour
entendre madame Thérèse, et de lui donner tout ce qu’elle
demanderait, à l’exception du manger ; car elle ne devait
prendre qu’un bouillon le matin et un autre le soir, avec quelques
légumes, et de ne la contrarier en rien.
    Enfin il entra, et je le suivis, songeant au
plaisir que j’aurais lorsqu’il serait parti, de courir dans tout le
village avec mon ami Scipio, et de me faire honneur de ses
talents.
    – Eh bien, madame Thérèse, dit l’oncle
d’un ton joyeux, me voilà sur mon départ. Quel bon temps pour aller
en traîneau !
    Mme Thérèse, appuyée sur son coude, au
fond de l’alcôve, les rideaux écartés, regardait les fenêtres d’un
air tout mélancolique.
    – Vous allez voir un malade,

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