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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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plus bêtes que les
autres ? Non, le ciel donne à tous sa douce lumière et sa
bonne rosée. Nous avions de bonnes intentions, nous voulions la
justice ; mais on nous a laissés dans les ténèbres, par esprit
de calcul et pour nous maintenir dans la bassesse. Ces gens-là
pensent s’agrandir en empêchant les autres de croître, c’est
abominable ! »
    Et moi, songeant alors combien l’oncle Jacob
se donnait de peine pour m’apprendre à lire dans
M. de Buffon, je me repentais de ne pas profiter
davantage de ses leçons, et j’étais tout attendri.
    M. Richter, voyant tout le monde contre
lui, et ne sachant que répondre aux paroles judicieuses de Koffel,
haussa les épaules comme pour dire : « Ce sont des fous
gonflés d’orgueil, des êtres qu’il faudrait mettre à la
raison. »
    Or le silence commençait à se rétablir et le
mauser venait de faire apporter une seconde bouteille, lorsque des
grondements sourds s’entendirent sous la table ; aussitôt nous
regardâmes et nous vîmes le grand chien roux de M. Richter qui
tournait autour de Scipio. Ce chien s’appelait Max ; il avait
le poil ras, le nez fendu, les côtes saillantes, les yeux
jaunâtres, les oreilles longues et la queue relevée comme un
sabre ; il était grand, sec et nerveux. M. Richter avait
l’habitude de chasser avec lui des journées entières sans rien lui
donner à manger, sous prétexte que les bons chiens de chasse
doivent avoir faim pour sentir le gibier et le suivre à la piste.
Il voulait passer derrière Scipio, qui se retournait toujours la
tête haute et la lèvre frémissante.
    En regardant du côté de M. Richter, je
vis qu’il excitait son chien en dessous ; le père Schmitt s’en
aperçut aussi, car il s’écria :
    – Monsieur Richter, vous avez tort
d’exciter votre chien. Ce caniche, voyez-vous, est un chien de
soldat, rempli de finesse et qui connaît toutes les ruses de la
guerre. Le vôtre est peut-être d’une vieille race ; mais,
prenez garde, celui-ci serait bien capable de l’étrangler.
    – Étrangler mon chien ! s’écria
Richter ; il en avalerait dix comme ce misérable roquet ;
d’un coup de dent il lui casserait l’échine !
    En entendant cela, je voulus me sauver avec
Scipio, car M. Richter excitait toujours son grand Max, et
tous les buveurs se retournaient en riant pour voir la bataille.
J’avais envie de pleurer ; mais le vieux Schmitt me retenait
par l’épaule en me disant tout bas :
    – Laissez faire, laissez faire… ne
craignez rien, Fritzel ; je vous dis que votre chien connaît
la politique… l’autre n’est qu’une grosse bête qui n’a rien vu.
    Et se tournant vers Scipio, il lui répétait
toujours :
    – Attention ! attention !
    Scipio ne bougeait pas ; il se tenait le
derrière dans le coin de la fenêtre, la tête droite, ses yeux
luisants sous ses grands poils frisés, et, dans le coin de sa
moustache tremblotante, on voyait une dent blanche très
pointue.
    Le grand roux s’avançait la tête penchée et le
poil hérissé tout le long de son échine maigre. Ils grondaient tous
deux, jusqu’au moment où Max fit un bond pour saisir Scipio à la
gorge ; aussitôt trois ou quatre éclats de voix brefs,
terribles, partirent à la fois. Scipio s’était baissé pendant que
l’autre l’attrapait à la tignasse, et d’un coup de dent sec il lui
faisait claquer la patte. C’est alors qu’il fallut entendre les
cris plaintifs de Max, et qu’il fallut le voir se glisser en
boitant sous les tables ; il filait comme un éclair entre les
jambes, en répétant ses cris aigus qui vous perçaient les
oreilles.
    M. Richter s’était levé furieux pour
tomber sur Scipio ; mais, au même instant, le mauser avait
pris son bâton au coin de la porte, et disait :
    – Monsieur Richter, si votre grosse bête
est mordue, à qui la faute ? Vous l’avez assez excitée ;
maintenant elle est peut-être estropiée, ça vous
apprendra !
    Et le vieux Schmitt, riant jusqu’aux larmes,
faisait mettre Scipio entre ses genoux et criait :
    – Je savais bien qu’il connaissait les
finesses de la guerre ; hé ! hé ! hé ! nous
avons remporté les drapeaux et les canons.
    Tous les assistants riaient avec lui ; de
sorte que M. Richter, indigné, chassa lui-même son chien dans
la rue à grands coups de pied, pour ne plus entendre ses cris. Il
aurait bien voulu en faire autant à Scipio, mais tout le monde
était dans l’étonnement de son

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