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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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d’une fenêtre,
et se mit à regarder la place de la fontaine d’un air grave. Moi,
je sortis déjeuner dans la cuisine avec Scipio.
    Environ une demi-heure après, j’entendis
l’oncle qui rentrait en disant :
    – Eh bien ! me voilà libre jusqu’au
soir, madame Thérèse ; j’ai fait ma tournée, tout est en
ordre, et rien ne m’oblige plus de sortir.
    Depuis un instant, Scipio grattait à la porte,
je lui ouvris et nous entrâmes ensemble dans la salle. L’oncle
venait de suspendre sa houppelande au mur, et regardait
Mme Thérèse encore à la même place et toute mélancolique.
    – À quoi pensez-vous donc, madame
Thérèse ? lui dit-il, vous avez l’air plus triste que tout à
l’heure.
    – Je pense, monsieur le docteur, que,
malgré les plus grandes souffrances, on est heureux de se sentir
encore sur cette terre pour quelque temps, dit-elle d’une voix
émue.
    – Pour quelque temps ? s’écria
l’oncle, dites donc pour bien des années ; car, Dieu merci,
vous êtes d’une bonne constitution, et d’ici à peu de jours, vous
serez aussi forte qu’autrefois.
    – Oui, monsieur Jacob, oui, je le crois,
fit-elle ; mais quand un homme bon, un homme de cœur vous a
relevée d’entre les morts à la dernière minute, c’est un bien grand
bonheur de se sentir renaître, de se dire : « Sans lui,
je ne serais plus là ! »
    L’oncle alors comprit qu’elle contemplait le
théâtre du terrible combat soutenu par son bataillon contre la
division autrichienne ; que cette vieille fontaine, ces vieux
murs décrépits, ces pignons, ces lucarnes, enfin toute la place
étroite et sombre lui rappelaient les incidents de la lutte, et
qu’elle savait aussi le sort qui l’attendait, si par bonheur il
n’était survenu quand Joseph Spick allait la jeter dans le
tombereau. Il resta comme étourdi de cette découverte, et seulement
au bout d’un instant il demanda :
    – Qui donc vous a raconté ces choses,
madame Thérèse ?
    – Hier, pendant que nous étions seules,
Lisbeth m’a dit ce que je vous dois de reconnaissance.
    – Lisbeth vous a dit cela ! s’écria
l’oncle désolé ; j’avais pourtant bien défendu…
    – Ah ! ne lui faites pas de
reproches, monsieur le docteur, dit-elle, je l’ai bien aidée un
peu… Elle aime tant à causer !
    Mme Thérèse souriait alors à l’oncle qui,
s’apaisant aussitôt dit :
    – Allons, allons, j’aurais dû prévoir
cela, n’en parlons plus. Mais écoutez-moi bien, madame Thérèse, il
faut chasser ces idées de votre esprit ; il faut au contraire
tâcher de voir les choses en beau, c’est nécessaire au
rétablissement de votre santé. Tout va bien maintenant, mais aidons
encore la nature par des pensées agréables, selon le précepte
judicieux du père de la médecine, le sage Hippocratès :
« Une âme vigoureuse, dit-il, sauve un corps
affaibli ! » La vigueur de l’âme vient des pensées douces
et non des idées sombres. Je voudrais que cette fontaine fût à
l’autre bout du village ; mais puisqu’elle est là, et que nous
ne pouvons l’ôter, allons nous asseoir au coin du fourneau pour ne
plus la voir, cela vaudra beaucoup mieux.
    – Je veux bien, répondit Mme Thérèse
en se levant.
    Elle s’appuya sur le bras de l’oncle, qui
semblait heureux de la soutenir. Moi, je roulai le fauteuil dans
son coin, et nous reprîmes tous notre place autour du fourneau,
dont le pétillement nous réjouissait.
    Quelquefois, au loin dehors, on entendait un
chien aboyer au village, et cette voix claire, qui s’étend sur la
campagne silencieuse au temps des grands froids, éveillait Scipio,
qui se relevait, faisait quatre pas vers la porte en grondant, les
moustaches ébouriffées, puis revenait s’étendre près de ma chaise,
se disant sans doute qu’un bon feu vaut mieux que le plaisir de
faire du bruit.
    Mme Thérèse, dans sa pâleur, ses grands
cheveux noirs tombant avec des reflets bleuâtres autour de ses
épaules, semblait heureuse et calme. Nous causions là
tranquillement, l’oncle fumait sa grosse pipe de faïence avec une
gravité pleine de satisfaction.
    – Mais, dites-moi donc, madame Thérèse,
je croyais avoir découpé votre veste, fit-il au bout de quelques
instants, et je la vois comme neuve.
    – Nous l’avons recousue hier, Lisbeth et
moi, monsieur Jacob, répondit-elle.
    – Ah ! bon, bon… Alors vous savez
coudre !… Cette idée ne m’était pas encore venue… Je vous
voyais

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