Mademoiselle
et de deux hommes de confiance de Condé, conseillers au Parlement et naguère frondeurs enragés. Pour protection rapprochée, un lieutenant des gardes, huit de ses hommes et douze Suisses.
Elle portait un habit gris — pour marquer le sérieux de sa fonction —, mais tout chamarré d'or. Beaucoup de monde dans la cour du palais et dans les rues avoisinantes poussait des cris de satisfaction, entremêlés de « Sus au Mazarin ! » Le cœur lui en battit.
Il lui battit plus encore, après l'étape d'Arpajon, quand elle rencontra son escorte, cinq cents hommes à pied et à cheval, en ordre de bataille, qui la saluèrent. Les chevau-légers se placèrent devant son carrosse. Le duc de Beaufort, bâtard d'Henri IV, surnommé « le roi des Halles » et frondeur de la première heure, chevauchait à sa portière.
Le temps était superbe dans les plaines de la Beauce. Anne-Louise décida de quitter son carrosse et de monter à cheval pour la suite du voyage. Ce fut dans la troupe une explosion de joie.
À Toury, elle rencontra le duc de Nemours et quantité d'autres officiers. Ils avaient grande joie de la voir, plus même que si c'eût été son père, et ils l'attendaient pour tenir leur conseil de guerre . Cela la flatta, mais ne lui enleva pas son sens critique et son ardeur.
Rohan ne lui faisait pas confiance, c'était évident, et fanfaronnait trop. Nemours et Beaufort ne cessaient de se quereller. Chacun s'estimait le mieux informé des desseins de Condé et de Gaston. Personne ne parlait vraiment de se rendre maître d'Orléans.
Sur-le-champ, Anne-Louise écrivit devant eux à son père, l'informant de leurs hésitations. L'effet fut immédiat. Ils lui protestèrent de lui obéir en tout.
Elle sut cependant leur cacher ses craintes, balayer les rumeurs qui prétendaient que le roi était déjà entré dans Orléans, ou que le gouverneur de la ville n'était pas hostile au Mazarin. Et si la cour décidait d'éviter Orléans pour passer la Loire à Gien, que ferait-elle ? Les lettres des courriers interceptés ne lui apprirent pas grand-chose.
Cette nuit-là, elle dormit peu.
8
Orléans
Elle arriva au petit matin à cinq lieues d'Orléans. Son habit gris gardait bonne mine. Elle, plus encore. Le large bord de son feutre crânement relevé du côté droit, ses cheveux blonds noués sur la nuque, les yeux vifs, elle brûlait de l'envie de vaincre.
Un envoyé de l'hôtel de ville l'attendait. Ces messieurs ne souhaitent pas, lui dit-il, trancher entre le roi et leur seigneur, le duc d'Orléans. Que Mademoiselle réfléchisse, qu'elle fasse la malade dans quelque maison proche. Dans peu de jours, on la recevra. Avec les honneurs dus à son rang. Mais l'on ne veut pas des parlementaires qui sont avec elle.
— C'est tout réfléchi. Je vais droit à Orléans. Si l'on m'y refuse, je patienterai. Si je l'emporte, je saurai engager la ville à soutenir les princes. Si la cabale du Mazarin est la plus forte, j'irai à l'armée du roi. Au pis, on m'arrêtera. Mais on me rendra, dans ma captivité, le respect dû à manaissance. Et j'aurai la gloire de m'être exposée pour le service de mon père.
Sa détermination surprit tout le monde.
À onze heures du matin, elle se présenta avec Gillonne et Claire à la porte Bannière. Elle la trouva fermée et barricadée. Elle dit son nom. On ne lui ouvrit pas. Elle ne se découragea pas. On était le 27 mars. Le Ciel était avec elle...
Elle résolut d'attendre, avec ses gentilshommes, qu'elle appelait ses ministres, et ses fidèles amies, qu'elle appelait ses maréchales, dans une hôtellerie proche de la porte Bannière.
— Voyez l'enseigne, « Au Port de Salut ». Quel heureux présage ! J'apporte le salut aux gens d'Orléans, s'exclama-t-elle en riant.
Pendant trois heures elle attendit, elle, l'impatiente. Enfin n'y tenant plus, elle s'avança dans le fossé pour s'y promener. Le rempart, au-dessus, était plein de gens qui, la reconnaissant, se mirent à crier : « Vive le roi, vive les princes, et point de Mazarin ! » Les hommes de son escorte la qualifièrent d'imprudente et la supplièrent de revenir à l'hôtellerie.
Sans les écouter, suivie de Gillonne et de Claire, elle continua de marcher dans le fossé qui entourait la ville et qui la mena au bord de la Loire. Elle y vit des bateliers fort nombreux. Debout dans leurs barques, ils l'acclamèrent. Elle leur demanda de la conduire à la porte de la Faux. Elle le savait, cette porte
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