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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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salutations des corps constitués. Dans la salle des délibérations, elle regarda longuement le portrait de Jeanne d'Arc, peint par un artiste anonyme du XIV e siècle. Ses yeux bleus brillaient d'orgueil.
    Comme la Pucelle, comme Anne-Geneviève de Longueville, comme les héroïnes de Corneille, elle avait réussi aussi bien — mieux même — qu'un homme. Elle savait ce qu'était la gloire. Sa fierté éclata quand elle vit arriver, depuis l'hôtellerie, les beaux messieurs de son escorte. Ils se répandirent en félicitations, et regrettèrent de ne pas l'avoir accompagnée.
    Depuis le matin, elle n'avait rien mangé. Elle était trop heureuse pour s'en apercevoir. Néanmoins, quand le gouverneur parla des pâtés d'anguilles de la Loire et du vin d'Anjou qu'il comptait lui faire servir, elle sentit combien elle avait faim.
    Avant de se mettre à table, elle prit le temps de s'installer chez la sœur de l'évêque et d'envoyer un courrier à son père. Ensuite, elle refusa de venir dîner dans la maison du gouverneur. C'est lui qui se dérangerait et viendrait, avec sa femme et ses gentilshommes, lui apporter à domicile ses anguilles. Il fallait que tout le monde sache qui commandait dans Orléans.
    L'exploit de cette amazone accompagnée de ses seules maréchales n'allait pas tarder à faire grand bruit. Dès le lendemain matin, Anne-Louise entendit affirmer encore sa victoire. Tôt levée, vite habillée, elle se disposa à fermer la ville au garde des sceaux et aux conseillers du roi qui demandaient à y entrer.
    Elle ordonna qu'on laissât baissées les chaînes qui barraient les principales rues à l'intérieur des remparts. Puis, escortée du gouverneur, des magistrats et de quantité d'officiers, elle monta sur les tourelles du pont qui regardait vers le faubourg du Portereau. Elle aperçut le garde des sceaux faire impatiemment les cent pas avec les gens de cour.
    Elle sourit de satisfaction victorieuse. Pour les narguer, pour montrer qu'elle était la patronne d'Orléans et que la troupe lui obéissait, elle déploya autour d'elle les officiers ceints de leurs écharpes bleues, cependant que la garde près du fleuve tirait une salve et que le peuple et les bourgeois rassemblés sur le pont criaient à tue-tête : « Point de Mazarin ! » Le garde des sceaux ne pouvait manquer de les entendre.
    Les jours suivants, son activité ne connut pas de bornes. Elle accommoda une querelle entre Beaufort et Nemours, toujours prompts à se disputer, fit rendre aux paysans les bestiaux, les chevaux et jusqu'aux poulets qu'on leur avait confisqués, rassura les receveurs d'impôts en les engageant à poursuivre leur tâche et prononça son premier discours en public à l'hôtel de ville, où, domptant sa timidité et son inexpérience, elle sut plaider la cause de son père et de Condé.
    Les princes étaient fort contents d'elle. « Vous m'avez sauvé Orléans et raffermi mon pouvoir à Paris, mandait Gaston à Anne-Louise. Votre action est digne de la petite-fille d'Henri le Grand. » Condé ne tarissait pasd'éloges et lui écrivait sa reconnaissance : « C'est un coup qui n'appartient qu'à vous. » Le peuple dans la capitale la réclamait pour la fêter. « Orléans, restituez-la, clamait Loret dans sa gazette. Gardez l'antique pucelle, mais rendez-nous la nouvelle. »
    Alors le succès lui monta à la tête. « Porte brûlée, tête brûlée », marmonnait à Paris le moqueur Retz qui n'aimait pas Mademoiselle et ne supportait pas qu'une femme rééditât dans Orléans le succès insupportable d'une autre femme. Le mot courut partout. Il était bien trouvé. On connaissait l'impétuosité de la jeune fille.
    On ne se douta pas de sa suffisance puérile et de ses maladresses. Seule la Motteville eut, un peu plus tard, confidence des rancœurs de la reine.
    — Nous étions, le roi, le cardinal et moi-même, logés à Sully. Pour l'approvisionnement de notre table, il fallait passer par Orléans, et donc par ma nièce qui entendait tout régenter dans la ville. Un jour qu'elle contrôlait les provisions que l'on nous destinait, elle aperçut de petits mousserons de printemps, ceux qui affectionnent les prés et l'orée des bois. Ils lui parurent si appétissants dans leur panier d'osier avec leur petit chapeau crème ou tacheté de chamois qu'elle les jeta et s'écria : « Ils sont trop délicats. Je ne veux pas que le cardinal en mange. » Vous rendez-vous compte de son insolence, ma

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