Mademoiselle
Parlement le montrait. Monsieur se débarrassait de lui. Ainsi elle affronterait seule l'épineux règlement du compte de tutelle.
Et Claire, sa Claire s'en réjouissait.
- Pourquoi cette froideur, Mademoiselle ? eut l'audace de lui demander la jeune femme, le lendemain.
- Hypocrite, vous osez me le demander !... Je n'aime pas que vous soyez aise de ce qui m'afflige, que vous riiez quand je pleure. Dans l'affaire que je dois régler avec Monsieur, le renvoi de Préfontaine est le pis qui puisse m'arriver. Et il vous a réjouie. Ne protestez pas. Je vous connais. Je l'ai vu à vos yeux. Réduite à mes seules ressources, je ne pèserai pas lourd face aux hommes de loi de mon père et de ma grand-mère. Vous vous en moquez, vous...
Elle ne put continuer et courut cacher ses larmes dans sa chambre. Là, dans le château de son père, elle sentit son malheur. Pour lui, seules comptaient les filles de Marguerite. Il ne s'intéressait plus à elle. Ou plutôt il ne s'intéressait qu'à sa colossale fortune. Qu'on la lui envie, elle en avait l'habitude. Maintenant on voulait la lui prendre. On la guettait, on la circonvenait.
Dans sa colère et son désarroi, elle griffonna un billet au duc.
« À quoi me sert de vous avoir aidé à Orléans, à Saint-Antoine, d'avoir pris votre parti, d'avoir montré mon courage ? Vous ne m'en aimez pas davantage. En réalité, vous ne m'aimez pas. Isolée dans ma propre famille, sans nouvelles de ma tante que je chérissais, haïe de mon cousin, exilée dans un horrible désert, j'ai tout souffert pour vous, et vous me maltraitez. »
Écrire sa révolte la soulagea un peu. Mais le devoir d'obéissance l'emporta. Préfontaine d'ailleurs, dans son dernier message, lui avait conseillé la patience. À son âge et dans sa situation de fille à marier, elle ne pouvait se couper de son père, ni de la cour. Elle déchira le message.
L'air humide de Blois l'enrhuma, ses maux de gorge augmentèrent. Cependant, quand le départ pour Orléans fut fixé au 21 mars, dimanche des Rameaux, très vite, elle se ressaisit et retrouva son allant. Elle se rappela son départ des Tuileries pour Orléans, un lendemain des Rameaux. Cela l'encouragea. Qu'on en finisse avec son compte de tutelle ! Elle supporterait courageusement l'épreuve. Et même elle ne se laisserait pas faire.
Mme de Guise arriva bientôt. Tout de suite, elle s'installa chez Marguerite et n'en bougea plus. Anne-Louise n'eut pas une seule fois le loisir de la rencontrer. Sa belle-mère, sous prétexte de langueurs, ne lui ouvrait pas sa porte.
Son père demeurait invisible. Le comte de Béthune, un parent du duc de Beaufort, le seul à lui être favorable, n'était apparemment au courant de rien. Claire se tenait dans une réserve distante. Attendre sans savoir, subir l'hostilité muette de ses proches, Anne-Louise n'en pouvait plus.
Enfin, le 23, on se réunit dans la maison du gouverneur. Celle-là même où la jeune fille, trois ans auparavant, avait refusé de se rendre pour manger son pâté d'anguilles. Elle se sentait si fière alors de son triomphe d'Orléans qu'elle avait réclamé ses anguilles à domicile ! Les temps avaient changé.
Une foule d'hommes de loi se pressaient autour d'elle. Elle se sentait seule. Claire s'était fait excuser, elle était souffrante.
- Il va être procédé à la signature de l'acte.
La voix du notaire parvint à Anne-Louise comme dans un brouillard. Elle avait horriblement chaud. Trop de gens autour d'elle. L'évêque d'Orléans, Béthune, son père, la troupe des avocats et des greffiers. Un orage menaçait. Elle étouffait.
Et puis, raide comme la justice, Mme de Guise désigna d'une main maigre et d'un geste pompeux, la fameuse transaction.
— Si Votre Altesse royale et Mademoiselle veulent la voir...
La colère hérissa Anne-Louise et lui fit oublier son malaise.
- Inutile, Madame, coupa-t-elle. Inutile de me faire avaler ces faux-semblants. J'ai signé ce que vous avez voulu. Sans le voir, comme vous l'avez voulu. Tout a été combiné, tout est accompli. Il ne me reste qu'à donner une dernière signature pour ratifier.
Les assistants n'avaient pas l'habitude de tels éclats.Consciente de leur étonnement, elle se radoucit en se penchant tristement vers son père.
- Je souhaite que ma signature me donne le repos, et surtout la faveur de vos bonnes grâces. Je les ai toujours ardemment souhaitées. Je n'ai jamais agi que pour me les conserver.
Puis l'indignation la
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