Mademoiselle
sur Mademoiselle. Elle se faisait fort, le moment venu, de tourner les volontés de Claire à son gré. Elle s'en porta garante auprès de la grand-mère.
Pour un poste de cette importance auprès de la première princesse du royaume, il fallait consulter la reine. Dans un premier temps Anne d'Autriche critiqua le choix de Mme de Frontenac. Une personne de si petite noblesse ! Mais quand on l'eut mise au courant des dessous de l'affaire, elle daigna l'approuver. La favorite dirait tout des projets de sa maudite nièce. On s'y opposerait facilement au besoin.
Quant à Claire, déçue dans ses espoirs de quitter Saint-Fargeau, lassée de partager une disgrâce qui n'en finissait pas et ne lui rapportait rien, catéchisée sans cesse par Gillonne, elle se plaça totalement sous la coupe de cette dernière.
— Sans vous, ma belle, jamais Mme de Guise ni Monsieur n'auraient accepté ma promotion. Je vous en ai une reconnaissance infinie.
Elle accepta de trahir sa maîtresse et, avec cruauté, se moqua d'elle sous le manteau.
— Elle s'imagine m'avoir choisie. On le lui a fait croire. Elle a donné dans le panneau.
Sur les conseils de Gillcnne, elle fit mine de lui manifester, à son habitude, une grande tendresse. Sans méfiance, Anne-Louise n'y vit que du feu.
- Que j'aime vos jolies manières, ma douce ! Me voici avec une dame d'honneur selon mon cœur.
Début mars, une seconde lettre de Gaston arriva à Saint-Fargeau. Mademoiselle ne s'attendait plus cette foisà un message quelconque de tendresse. Elle avait compris...
Dans les termes les plus administratifs, le duc lui ordonnait de se rendre à Blois, chez lui, pour les derniers accommodements de leur affaire. Mme de Guise les rejoindrait bientôt.
À la pensée de cette rencontre, le cœur lui battait à tout rompre. Quelle mine lui ferait son père ? Elle ne l'avait pas revu depuis plus de deux ans, depuis qu'il l'avait chassée de son palais du Luxembourg. Elle avait tant besoin de son affection, elle craignait tant ses colères. Préfontaine tâcha de la réconforter, mais ne fut guère convaincant. Il avait du mal à oublier les manières retorses du père et de la grand-mère.
Il ne lui restait d'autre recours que Claire.
— Assurément, oui, répondit la jeune femme, je viendrai avec vous à Blois. Vous devez y débattre, je crois, d'une affaire délicate. Je ne vous quitterai pas.
Anne-Louise respira. Elle se doutait bien que Claire l'accompagnerait. Ne l'avait-elle pas toujours eue à ses côtés ? et dans des moments difficiles ? à Orléans, à Saint-Antoine, en fuyant Paris, à Pont, à Dannery, à Saint-Fargeau ? Le lui entendre dire l'émut aux larmes.
Le voyage dura quatre jours. On perdit du temps avec la pluie battante des premières heures. Lorsque les averses se calmèrent, Anne-Louise ne sortit pas de son abri pour parcourir quelques lieues à cheval, comme elle aimait à le faire. Cette fois, elle demeura dans son carrosse, muette et crispée. Elle tentait de ne pas penser à ce qui l'attendait chez son père. Elle n'y parvenait pas. Le galop des six chevaux lui martelait la tête.
Elle se blottit contre le corps de Claire, tout proche sur la banquette de velours, et chuchota :
— Je sens votre chaleur, ma douce. Je contemple votre fin profil, vos cheveux dorés qui dépassent de votre bonnet fourré, vos mains si blanches.
Soudain, elle lui glissa à l'annulaire un diamant qui ornait sa main droite, un des trois fabuleux diamants Montpensier.
- Je ne suis pas seule, murmura-t-elle.
Elle soupira, apaisée.
14
Retour à Orléans
À son arrivée au château de Blois, Gaston était déjà couché. Le lendemain, il lui proposa une promenade à cheval qu'elle accepta avec joie. Enfin, elle allait se confier à son père, lui dire son ennui de vivre à Saint-Fargeau, sa déception du silence de la reine... Sa joie fut de courte durée.
— Il ne tient qu'à moi de retourner à la cour, commença-t-il avec sa vanité coutumière. Je préfère néanmoins qu'ils attendent. Retenez la leçon. Il faut toujours se faire désirer.
Comme s'ils s'étaient quittés la veille, dans des conditions normales, Gaston ne parlait que de lui.
Anne-Louise s'offusqua. « Il ne s'enquiert même pas de mes conditions de vie. Il me traite comme la plus parfaite des étrangères. » En même temps, elle remarqua ses traits tirés, son allure vieillie et tenta de se raisonner. « Sonindifférence à moi vient de son âge. Il ne me
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