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Mademoiselle

Mademoiselle

Titel: Mademoiselle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Duchêne
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cristal fort épais. Il se brisa sur le parquet de ma chambre. Affolée par l'horrible présage, je ne dormis pas cette nuit-là.
    Les suivantes non plus J'avais conclu un marché de dupes. Le roi fit traîner pendant des mois le retour de Lauzun. Il ne le relâcha enfin que pour le faire venir, sous escorte armée, à Bourbon afin d'y prendre les eaux et soigner son bras.
    Déçue de ne pas le revoir plus vite, malade d'impatience, je fis une scène à la Montespan qui s'emporta :
    — Vous êtes trop exigeante, Mademoiselle. Vous avez une chose, vous en voulez une autre.
    — Quoi, Madame ? J'ai signé ce que vous avez voulu pour que Lauzun revienne à la cour et m'épouse.
    — Je ne vous ai jamais rien promis. Quant à votre mariage, je peux vous répéter les paroles de notre roi : « Ilne faut pas que ma cousine songe jamais à épouser M. de Lauzun. »
    Éberluée de tant d'hypocrisie, je ne trouvai rien à répondre. Le désespoir me gagna. M'être laissé dépouiller des Dombes et du comté d'Eu pour rien ! Mon cousin, m'avoir si longtemps grugée, avec tant de persévérance et d'application !
     
    Je n'étais pourtant pas au bout de mes peines. Je découvris bientôt l'ingratitude et l'indifférence de Lauzun. Elles me blessèrent plus cruellement que les manœuvres intéressées de Louis. Il n'était plus besoin que le roi interdît notre mariage. Même s'il l'avait permis, Lauzun n'en aurait plus voulu. Il ne voulait plus de moi. Il me fuyait.
    À Bourbon, où les mousquetaires le conduisirent directement depuis Lyon, Lauzun affecta ne pas quitter d'une semelle la maréchale d'Humières, une belle curiste, dîna avec la meilleure compagnie et refusa de prendre les eaux sous prétexte qu'il n'avait jamais eu mal au bras et qu'il avait singé le malade pour sortir de Pignerol.
    Il continuait à m'ignorer. Quand Mme d'Humières fut rentrée à Paris, une bonne âme intercepta une lettre qu'il écrivait de Bourbon à la dame et me la montra. Quel ne fut pas mon saisissement à la lire ! Il la remerciait longuement pour un livre qu'elle lui avait donné — un livre ! —, l'assurait de ses tendresses et des baisers qu'il lui adressait en pensée mille fois le jour !
    On le plaça ensuite à la citadelle de Châlon-sur-Saône puis en résidence à Amboise. Partout, même conduite. Sans manifester nulle tristesse de ne point me revoir, il priait le beau monde qui passait par là de le visiter. Mme de Chamilly, l'une de ses anciennes amies, joueuse enragée à l'esprit des plus vulgaires, parlait partout des lettres exquises qu'il lui envoyait. La femme du gouverneurd'Amboise était intarissable sur les airs galants qu'il se donnait avec toutes les femmes. Je n'en pouvais plus.
    Cependant, la Montespan me priait de déclarer publiquement ma donation au duc du Maine. Il fallait se dépêcher avant que le délai légal expire. Je refusai de le faire avant d'avoir revu Lauzun. On me devait bien cela !
    Alors, Lauzun m'écrivit. Il s'indignait d'apprendre que j'avais fait cette donation, il me réclamait une compensation à la perte des Dombes et m'informait que le roi y consentait. Je décidai de lui donner le duché de Châtellerault et quelques autres terres. Cela ne lui convint pas. Il préférait prendre le duché de Saint-Fargeau et la baronnie de Thiers en Auvergne, plus quelque rentes sur les gabelles. Je m'inclinai.
    Peu après, je fus choquée d'apprendre qu'il disait partout : « Mademoiselle m'a donné si peu de chose que j'ai eu peine à l'accepter. »
    La nouvelle de ma donation au petit duc se répandit dans les gazettes et le public. Les uns m'approuvèrent, les autres me blâmèrent. Gabrielle de Thianges, la sœur de la Montespan, et la Maintenon surtout furent les plus ardentes à se réjouir. On me fit la faveur rare d'assister au dîner des marmots, Louis-Auguste, son frère et sa sœur ! Il est vrai que l'on obligeait Marie-Thérèse même à recevoir les enfants de sa rivale et à s'extasier devant leurs reparties.
     
    Jusqu'ici je pouvais encore me bercer d'illusions. Je n'avais plus revu Lauzun. Je ne m'imaginais pas que ma beauté l'illuminerait et changerait tout. Non. J'étais lucide. Mais un reste de sympathie .. Qui sait ?
    Je fus vite fixée. Le roi lui permit de venir à Versailles pour une journée. Il y arriva vêtu d'un vieux justaucorps trop court et quas tout déchiré, coiffé d'uneperruque affreuse. Son dénuement ne pouvait que m'attendrir. D'autant qu'il se

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