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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’espérance.
    Mais il n’avait pas le courage de l’avouer ni de s’accorder cette consolation, de reconnaître un Dieu unique plein de compassion et qui promettait la résurrection.

 
     
35
    J’ai partagé le refus de Marc Aurèle de reconnaître Christos, Dieu unique.
    J’ai ainsi été son complice.
     
    J’étais assis près de lui dans la salle d’audience du Palais impérial le jour où Crescens, un homme qui se prétendait philosophe et auquel l’empereur avait accordé pour cela une pension, a réclamé la mort pour les chrétiens :
    « Ils adorent un Dieu à tête d’âne !, a-t-il lancé. Ils veulent la destruction de Rome, ils l’annoncent ! »
    Crescens parlait d’une voix aiguë, tranchante. Il levait ses bras maigres et secouait sa tête émaciée, anguleuse, prolongée par une barbe qui lui couvrait la poitrine.
    « Ils disent ceci : "Rome est la nouvelle Babylone, cette ville corrompue sera précipitée avec impétuosité dans la mer comme une grande meule de moulin. On ne la trouvera plus. Et ni la voix des joueurs de harpe et des musiciens, ni celle des joueurs de flûte et de trompette ne sera plus entendue, et nul artisan, de quelque métier que ce soit, ne s’y trouvera plus, et on n’y entendra plus le bruit de la meule…" »
    Crescens s’était avancé d’un pas et, penché vers Marc Aurèle, a repris plus fort :
    « Sais-tu ce qu’ils ajoutent ? "Dieu a renversé les grands de leur trône et il a élevé les petits. Il a comblé de biens ceux qui étaient affamés et il a renvoyé vides ceux qui étaient riches." »
    Crescens avait serré les poings.
    « C’est une religion pour les esclaves, et leur Christos, ce juif, a été crucifié comme un voleur après avoir été condamné par les prêtres de son peuple et par le procurateur romain ! Or voilà le Dieu qu’ils adorent ! »
    Ce jour-là, Crescens avait parlé seul. Mais, les jours suivants, comme s’ils avaient regretté de lui avoir abandonné toute la gloire et le profit de cette condamnation d’une secte qui menaçait Rome, les autres philosophes, les rhéteurs, tous ceux dont Marc Aurèle aimait à s’entourer, dont il recueillait les avis, ont donné de la voix, aboyé contre ces hommes et ces femmes aux agissements monstrueux.
    L’un a dit – peut-être était-ce Fronton ? – que les chrétiens se livraient à toutes les perversions dans la promiscuité de leurs réunions. Ils rendaient d’ignobles hommages, qu’on ne pouvait même pas décrire, à leurs prêtres. Ils s’accouplaient comme les animaux eux-mêmes ne le faisaient pas.
    Un autre – peut-être Junius Rusticus ? – a ajouté que ces orgies se terminaient par des repas sanglants, qu’on y sacrifiait et y dévorait des enfants.
    J’ai frissonné.
     
    Aujourd’hui j’écris comme un coupable qui avoue avoir été témoin d’un meurtre, non pas celui d’un enfant volé, égorgé et dévoré par les chrétiens, mais celui de ces derniers.
    Car désormais je les connais.
    J’ai vu et entendu Eclectos prier dans la clairière aux sept cyprès.
    J’ai vu Sélos et Doma s’agenouiller devant lui, incliner la tête pour qu’il y imposât ses mains.
    J’ai vu le visage radieux des esclaves convertis qui semblaient naître à une nouvelle vie et dans les yeux desquels je lisais la certitude de la résurrection.
    Comment ai-je pu croire ce que décrivait Rusticus, approuvé par Crescens et Fronton ?
     
    « Ils veulent boire du sang jeune et bien rouge, vitupérait Junius Rusticus. On présente à celui qu’on initie dans la religion un enfant couvert de pâte pour entraîner peu à peu sa main au meurtre. Le novice frappe, le sang coule, tous boivent avidement, se partagent les membres palpitants, cimentent ainsi leur alliance par la complicité, et s’engagent à un silence absolu. Puis on s’enivre, les flambeaux se renversent, et dans les ténèbres tous se livrent à de hideux embrassements.
    Le préfet de Rome, Lollius Urbicus, a ajouté qu’il avait reçu les aveux de plusieurs esclaves qui appartenaient à des maisons chrétiennes. Ils avaient assisté à ces orgies sanglantes, à ces égorgements, à ces dévorations d’enfants.
    Certains jeunes esclaves promis à la mort avaient réussi à s’enfuir et raconté ce qu’ils savaient.
    J’ai cru tout ce que j’entendais.
    Je savais pourtant comment on obtient les aveux d’un esclave. On lui déchire les chairs. On lui tranche le nez et les

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