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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Pérennis s’impatiente, demande que les bourreaux obtiennent des aveux de cet homme qu’on ne peut condamner sans connaître son identité, sa place. S’il est citoyen romain, il doit en effet être décapité après que l’empereur a donné son avis.
     
    Les bourreaux ont plongé des lames de cuivre dans les braises ardentes. Le métal est devenu blanc quand ils l’ont placé sur la chair du chrétien, entre ses cuisses, sur ses joues, contre son ventre.
    J’ai entendu le grésillement de la peau.
    Mais l’homme n’a pas crié alors que son corps n’était plus qu’une plaie qui se roulait instinctivement en boule, sur laquelle se penchaient les bourreaux, cherchant ce qui restait de chair intacte pour le brûler.
    La foule s’était tue ; seules résonnaient les voix des chrétiens remerciant Christos qui, quand on soumettait ses croyants à la torture, prenait la place de leur corps, les rendait ainsi insensibles à la souffrance.
    « Des hommes qui ne craignent pas la souffrance et qu’on ne peut donc pas châtier sont les ennemis de l’Empire », a déclaré le tribun Clemens alors que Martial Pérennis se levait, demandait qu’on reconduisît les chrétiens à leurs prisons et qu’on expédiât les esclaves aux mines.
    « Ils ont trahi leurs maîtres, a maugréé le légat ; qui pourrait encore leur faire confiance ? Qu’ils creusent la terre en Sardaigne, qu’ils en extraient de l’argent et que les dieux décident s’ils doivent survivre. »
    Martial Pérennis a fait quelques pas, croisé les bras, suivi des yeux le groupe des chrétiens que les soldats, à coups de lances, poussaient vers les cachots de l’amphithéâtre.
    « Ceux-là, a-t-il murmuré, tu as raison, tribun : ce ne sont pas des hommes, mais des démons. Il faut qu’ils meurent. Et ils mourront. »

 
     
45
    La Mort ne s’est avancée vers les chrétiens qu’à pas lents.
    C’était comme si Christos avait voulu prouver au légat et à la plèbe gauloise qui accablait d’injures, de malédictions, de coups, ceux qui croyaient en Lui, que rien, pas même les supplices les plus cruels, ne pouvait les arracher à leur foi.
    Et que ses croyants surmontaient la souffrance, la recevaient comme une attention de Dieu.
    Ainsi de leur exemple naîtraient de nouveaux convertis.
     
    J’ai reconstitué ces jours de douleur et de fidélité à Christos.
    Pourtant, au début, quand j’ai commencé à écrire, il m’a semblé que ma mémoire était vide.
    Mais Eclectos m’a dit :
    « Souviens-toi du jour où Sanctus a été de nouveau conduit au forum. Tu as vu les bourreaux enfoncer le métal chauffé à blanc dans ses plaies encore ouvertes. Souviens-toi du vénérable Pothin, de sa blanche silhouette de vieillard poussée sur le forum. Et pense à la jeune Blandine que le légat, après chaque torture, questionnait. »
    Quand je l’ai interrogée, Doma m’a rappelé que je quittais la chambre pour me rendre au forum, m’asseoir près de Martial Pérennis. J’avais même voulu l’entraîner, la contraindre à assister à mes côtés aux supplices, et elle avait menacé de s’ouvrir les veines si je tentais de la tirer hors de la pièce.
    J’avais renoncé.
    Je rentrais à chaque tombée du jour le corps couvert de sueur, les yeux injectés de sang, hargneux comme un chien errant, apaisé seulement après m’être accouplé avec elle, et gémissant alors, la poitrine pleine de sanglots étouffés.
    J’ai fait taire Doma, mais Sélos a murmuré quand je l’ai questionné :
    « Maître, vous étiez au forum et dans l’amphithéâtre et je me tenais debout derrière vous. »
    Durant des années j’avais donc oublié mais, à présent, chaque détail sourd de ma mémoire comme une source rouge.
     
    On pousse Sanctus sur le forum. Son corps n’est plus qu’une plaie.
    On l’a laissé pourrir trois jours dans un cachot qui n’avait pour ouverture qu’une sorte de puits juste suffisant pour laisser passer le corps d’un homme. On ne l’en a tiré que pour le soumettre une nouvelle fois à la torture.
    Mais alors que son corps se cabre quand les bourreaux approchent de lui le fer ardent, il ne répond aux questions du légat qu’en répétant qu’il est chrétien.
    Et il ne meurt pas.
    Il semble même que plus on le supplicie, moins il souffre.
    Les chrétiens entravés qui attendent d’être torturés à leur tour crient qu’un miracle se produit sous nos yeux, que Christos a choisi Sanctus

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