Marcel Tessier racontre notre histoire
félicitations même après que les Anglais se furent emparés de l’île Royale.
En 1746, le duc d’Auville reçoit de la France une puissante escadre. On veut reconquérir l’Acadie perdue aux mains des Anglais en 1713. Bigot est nommé intendant de cette grande flotte. Après d’innombrables désastres et aventures plus ou moins connues, l’expédition échoue. Bigot est par la suite nommé intendant de la Nouvelle-France le 1 er janvier 1748. Il remplace Gilles Hocquart qui, tout comme Jean Talon, avait bien administré la colonie. Reconnaissant les talents de Bigot dans la marine, la métropole lui demande de reprendre le plus tôt possible l’île Royale. Mais il s’intéresse davantage à ses affaires personnelles. Entre 1748 et 1756, les dépenses de la colonie montent en flèche. L’intendant fréquente ses amis et fait des affaires. Voici d’ailleurs une missive que l’intendant envoie à l’un d’eux: «Profitez, mon cher Vergor de votre place; taillez, rognez, vous avez tout pouvoir afin que vous puissiez bientôt me venir joindre en France et acheter un bien à portée de moi.» Entouré de subordonnés malhonnêtes, il se fait un point d’honneur de les soutenir. Bigot fréquente les bals, les femmes, il adore le jeu et les soupers. Plusieurs Canadiens le dénoncent en 1753 mais François Bigot a des amis influents en France: les lettres de doléances sont interceptées et ne se rendent jamais au ministre après un court voyage à Paris, il revient à Québec avec toute la confiance du ministre.
En 1758, le vent tourne, Berryer est nommé ministre de la Marine en charge des colonies. Mais en Nouvelle-France, c’est la pagaille. La guerre fait rage. Bigot s’acoquine avec les Anglais. Il prépare déjà la transition en enrichissant les futurs maîtres de la colonie. Il envoie son ami Péan à Paris pour qu’il tente de lui rallier Berryer. Mais celui-ci a déjà colligé des pièces à conviction importantes contre l’administration en Nouvelle-France. Après la défaite et la perte de la colonie, Bigot et ses complices sont emprisonnés à la Bastille. L’intendant avait quitté Québec le 18 octobre 1760. Le 17 décembre 1761, un procès est annoncé contre des individus impliqués dans des malversations au Canada durant les dernières années du Régime français. Une commission composée de 27 juges est mise sur pied et siège pendant 15 mois. Bigot est condamné à «1000 livres d’amende, à un million et demi de restitution, à la confiscation de ses biens et au bannissement». On pense que Bigot, réfugié en Italie, y mourut deux ans plus tard.
26 LES RAISONS DE LA DÉFAITE
À l’automne 1759, sur les plaines d’Abraham, le Français Montcalm perd la bataille contre l’Anglais Wolfe, et Québec capitule. Au printemps suivant, c’est au tour de Montréal de se rendre. Le sort en est jeté: la Nouvelle-France doit s’incliner devant le conquérant. Le pays, ses richesses et ses habitants passent sous gouvernement britannique. La situation est officialisée en 1763 par la Proclamation royale. Que s’est-il donc passé? Pour comprendre les raisons de la défaite, il faut tracer le portrait de la France et de l’Angleterre en Amérique du Nord. Suivons les jalons que propose Joseph Rutché dans son Précis d’histoire du Canada .
DES LACUNES DANS LES MÉTHODES DE COLONISATION ET
DE PEUPLEMENT DE LA NOUVELLE-FRANCE
Au début de la guerre de Sept Ans, en 1756, 80 000 habitants sont installés en Nouvelle-France, en comparaison de 1 200 000 dans les colonies anglaises, ce qui fait une bonne différence dans les effectifs des troupes coloniales. Le Canada a reçu de la France moins d’immigrants que la Nouvelle-Angleterre de la Grande-Bretagne. Pourquoi les Anglais viennent-ils en Amérique en plus grand nombre? Parce que leur patrie est plus petite et moins riche que celle des Français. Ils vont ailleurs chercher la richesse. De plus, à la fin du XVI e siècle et au début du XVII e , la Réforme divise les croyances religieuses en Grande-Bretagne. Il faut se souvenir que le pouvoir politique est alors aussi l’autorité religieuse suprême. Les dissidents ne sont donc pas les bienvenus. Beaucoup émigrent pour pouvoir pratiquer librement leur religion.
En revanche, la France est riche et nourrit bien ses habitants. Les questions de religion ne sont pas aussi violentes et l’ordre religieux est vite rétabli. C’est plus l’élite française que le peuple qui
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