Marcel Tessier racontre notre histoire
cette minorité, les classes inférieures, qui composent 90% de la population, vivent à la campagne. En général, ces gens simples sont peu exigeants; ils se sont forgé une philosophie de vie qui leur permet d’être heureux.
George Hériot, un voyageur, note que «le contentement d’esprit et la douceur semblent être les traits dominants de leur caractère». Albert Tessier rapporte, dans ses notes historiques, la réponse que donne un Canadien à un voyageur américain qui l’interrogeait sur sa situation: «Monsieur, le Canada est un pays charmant pour la misère. Les hommes comme les chevaux sont obligés de donner plus que leur mesure ici. Les Anglais sont passables mais ils ne sont pas polis comme les Français et ils se mettent souvent en colère sans savoir pourquoi.» Quoi qu’il en soit, les voyageurs de l’époque sont unanimes à décrire le paysan canadien comme un être affable, poli, doux et avenant.
L’HABITATION RURALE
Albert Tessier nous brosse un tableau de la maison d’antan:
Les maisons d’autrefois accrochées à nos villages sont semblables. Elles ont un étage et sont coiffées d’un pignon pointu. Bâties avec des troncs d’arbre équarris posés les uns sur les autres, elles sont matelassées à l’intérieur par des planches de sapin. Au lieu d’utiliser de la peinture, les anciens Canadiens enduisent leur maison de chaux, plus économique et, dit-on, plus agréable à l’œil. Si on entre à l’intérieur de ces maisons, on remarque rapidement les énormes poutres du plafond. La pièce d’entrée du rez-de-chaussée, qui occupe la moitié de la surface, sert à la fois de cuisine, de salle de travail et de chambre des maîtres.
Gérard Filteau, dans son ouvrage intitulé La naissance d’une nation, décrit aussi très bien la maison de 1800:
L’œil va d’abord à la cheminée, véritable monument de pierre à l’ouverture béante, au foyer de pierres plates avec la crémaillère, les chenets, la pelle à feu. De chaque côté, rangés sur des tablettes ou suspendus à des fiches, les chaudrons, marmites, poêlons, le gril; sur la corniche, les fers à repasser, le fanal de fer-blanc, des chandeliers de bois ou une lampe de fer qui brûle de l’huile de loup-marin. Un buffet ou un dressoir porte la vaisselle, plats et assiettes de grès, de faïence, de terre cuite, d’étain ou même de bois suivant la fortune de l’occupant. Dans un coin s’élève le métier à tisser, véritable charpente qui monte jusqu’au plafond. Dans l’autre angle, lui faisant pendant, s’élève un autre monument, le lit des parents avec son baldaquin. Il est parfois installé dans la chambre voisine.
On pourrait continuer longtemps ces descriptions qui s’accrochent à nos mémoires. Je terminerai en disant que cette maison est chauffée au moyen d’un poêle installé au centre de la pièce. Des accessoires et des décorations fabriqués par nos ancêtres demeurent encore populaires: catalognes, tentures indiennes, banc des seaux. À côté de la pièce principale se trouvent d’autres chambres, meublées de lits et de berceaux. Tous ces articles sont fabriqués par l’habitant habile avec des matériaux communs et des outils moyenâgeux.
32 UN VILLAGE TYPE EN 1800
A u milieu du village se dresse l’église, fière, autoritaire. C’est le centre de la collectivité, le lieu de rassemblement, le rendez-vous, de la naissance à la mort. Tout près, la demeure du curé et de ses vicaires, le presbytère, le plus souvent la plus belle résidence de l’agglomération. Le manoir, les boutiques des artisans, les études des professionnels, les maisons des marchands et de quelques rentiers se pressent près d’elle.
La population s’installe d’abord près d’un cours d’eau pour ensuite se déployer dans les rangs. Dans son Histoire du Canada, Albert Tessier a recueilli les détails fournis par Jacques Viger, historien et maire de Montréal de 1833 à 1836, sur l’agglomération de Boucherville en 1811. Il rapporte que cette paroisse, beaucoup plus riche que la moyenne, possède un «village» imposant: 91 maisons, dont 25 en pierre; quelques rentiers de l’ancienne noblesse y ont élu domicile et forment une société aux allures aristocratiques d’un ton un peu discret, mais pleine de dignité et de saveur. Curé, notables, négociants, aubergistes, hommes de métier, officiers à la retraite composent une population de 580 âmes sur un total de 2300. Dans
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