Marcel Tessier racontre notre histoire
et donne à chacune un Parlement distinct. Le nouveau Parlement n’a pas encore la responsabilité ministérielle, mais les futurs députés canadiens élus pourront défendre les droits de leurs concitoyens du Bas-Canada, ce qu’ils feront avec acharnement. Voyons dans quel contexte s’inscrivent leurs interventions. À cette époque, soit au début du XIX e siècle, l’Angleterre possède sept colonies indépendantes les unes des autres en Amérique du Nord: Haut-Canada, Bas-Canada, Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, Cap-Breton, Île-du-Prince-Édouard. Le reste du territoire est géré par la Compagnie de la baie d’Hudson, qui règne sur les deux tiers du pays tel que nous le connaissons. Vers 1784, environ 250 000 habitants vivent dans le Bas-Canada et 70 000 dans le Haut-Canada. Pour leur part, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse comptent 100 000 habitants. Terre-Neuve, l’Île-du-Prince-Édouard et le Cap-Breton en comptent environ 30 000. Sur l’ensemble du territoire, les Canadiens d’origine française sont majoritaires.
DANS LE BAS-CANADA
Les Canadiens français vivent pour la plupart dans le Bas-Canada, près des cours d’eau. De la frontière ouest du Bas-Canada jusqu’aux environs de Rimouski, des fermes, des villages, des églises surmontées d’un clocher couvert de feuilles de fer-blanc se succèdent. Çà et là, des agglomérations modifient quelque peu ce paysage. Montréal joue à la ville avec ses 15 000 habitants; Québec, qui est le siège de l’administration, s’enorgueillit de ses 18 000 citadins et Trois-Rivières réunit 200 âmes. Il y a un grand vide entre Rimouski et la Gaspésie, qui, elle, grâce à la pêche, nourrit au moins 3000 habitants à la baie des Chaleurs.
LA HAUTE SOCIÉTÉ
Albert Tessier, dans son Histoire du Canada , nous raconte que depuis la Conquête de 1760, tout gravite autour de la capitale, Québec. En effet, le gouverneur y habite, son château domine la ville et attire les grands et importants de l’époque. Le haut clergé, en particulier celui de l’évêché, côtoie les administrateurs. La majorité des bureaux militaires et civils y sont établis. Être invité chez le gouverneur, à son château, surtout pour dîner, c’est l’honneur suprême. Plusieurs notables et seigneurs donnent l’impression d’être à genoux devant les conquérants. Les bonnes affaires, les relations effacent souvent les péchés mortels de l’histoire. Comme aujourd’hui, le prestige personnel et les relations payantes font oublier rapidement les combats pour la liberté. Nos dirigeants, collés à ce pouvoir, changent un peu de mentalité.
À Montréal, la situation est différente. C’est la vie économique qui mène le bal. Les magnats anglais et écossais de la fourrure dominent la scène. Leurs cercles privés, comme le Beaver Club, et leurs salons sont fort courus. Entre eux, ils font des affaires, soupèsent leurs profits, élaborent des stratégies pour s’enrichir davantage. Quelques Canadiens sont acceptés dans ce cercle fermé et riche, à condition d’exercer leurs talents au profit de la classe dirigeante. Dans ces salons, on assiste à des banquets somptueux, on danse, on joue aux cartes; l’hiver, des excursions sont organisées, où le plaisir se mêle aux échanges pas toujours recommandables.
À Trois-Rivières, c’est un peu plus tranquille. La famille Hart et celle de Matthew Bell, qui exploite les forges du Saint-Maurice, dominent la vie mondaine. Les Hart, arrivés avec les armées d’invasion de 1760, se sont installés à Trois-Rivières et monopolisent tout: fourrures, fabrication et vente de bière, potasse, perlasse, importations, exportations, prêts d’argent… On raconte que des seigneurs voisins, qui éprouvaient des difficultés financières, ont emprunté de l’argent aux Hart et que ceux-ci finiront par mettre la main sur une partie de leurs propriétés, car ils s’avèrent incapables de les rembourser. En 1807, les gens de Trois-Rivières élisent Ezekiel Hart comme député. Il devient ainsi le premier juif élu député de l’Empire britannique.
LES HABITANTS
Bien sûr, les grands bourgeois canadiens-français courtisent les nouveaux maîtres; ils aiment être accueillis par eux, souper dans leurs merveilleuses résidences. Ils les envient et désirent leur ressembler. Dans cette classe sociale, l’anglomanie règne en maître (cela n’a pas beaucoup changé!). À côté de
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