Marcel Tessier racontre notre histoire
conquête de 1763.
De fait, étroitement liées aux bureaux dont les membres dépendaient de Londres, quelques familles, qui n’étaient aucunement tenues de rendre des comptes au peuple, dirigeaient toutes les affaires du pays. (Je ne citerai aucun nom, mais les choses ont-elles vraiment changé?) Pour Ludger Duvernay, il devenait urgent de grouper les Canadiens pour leur donner plus de force et leur inspirer une même pensée profonde à propos de leurs racines. Il y voyait un rendez-vous national et politique. Avant lui, bien sûr, d’autres imminents citoyens l’avaient suggéré. Dès 1831, Étienne Parent en parlait dans Le Canadien : «Je conseille à mes compatriotes de former une organisation politique pour grouper les Canadiens et en faire une force d’ensemble.» La fête de la Saint-Jean-Baptiste avait résisté au temps. Elle se fêtait toujours. Il lui manquait un cadre. C’est là que Duvernay entre en scène. Il organise un banquet qui a lieu à Montréal le 24 juin 1834, rue Saint-Antoine, dans le jardin de la résidence de John McDonell, un avocat écossais. Soixante personnes sont réunies par Duvernay. On raconte que le restaurateur est un nommé Jehlen et que partout des fleurs embellissent la cour. La musique agrémente la fête et des orateurs y prennent la parole, notamment Jacques Viger, le maire de la ville et le premier président de la Société, John Turney, Louis-Hippolyte La Fontaine, le docteur Edmund B. O’Callaghan, Starow Brown, Charles-Ovide Perreault, George-Étienne Cartier et plusieurs autres. Bien sûr, on fait un lien entre le contexte du moment, le choix de saint Jean-Baptiste comme patron et le fait qu’il a été précurseur du Christ. Tous les convives sont des admirateurs de Papineau, qui vient de déposer les 92 Résolutions (notons que Papineau n’était pas seul dans cette lutte: Joseph Howe, de la Nouvelle-Écosse, William Lyon Mackenzie, du Haut-Canada, et même Daniel O’Connell, l’agitateur de l’Irlande, défendaient des idées semblables). On décide que le banquet sera annuel. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal était née. Encore aujourd’hui, elle défend les mêmes idéaux, enracinés au plus profond de l’âme du peuple canadien-français.
DÉPUTÉ EN EXIL
En mai 1837, en pleine crise politique, Duvernay est élu député de la circonscription de Lachenaie, mais il doit bientôt s’exiler au Vermont, car il est recherché et sa tête est mise à prix. Même durant son exil, il fonde un journal, Le Patriote canadien . De retour au pays en 1842, il relance La Minerve, mais sa santé chancelante lui interdit les combats endiablés de jadis. Il s’éteint le 28 novembre 1852, à Montréal. Le 21 octobre 1855, ses restes sont transférés au nouveau cimetière de Côte-des-Neiges, ce qui donne lieu à une grande cérémonie présidée par George-Étienne Cartier, alors président de la Société Saint-Jean-Baptiste. Ludger Duvernay est entré dans notre histoire par la grande porte, celle du combat pour nos droits démocratiques. Il a laissé son nom vivant partout. Il avait épousé Marie-Reine-Anne Harnois de Louiseville le 14 février 1825.
44 LOUIS-JOSEPH PAPINEAU
L orsqu’on attribue à un homme public le titre du plus grand patriote de l’histoire d’un peuple, il doit y avoir dans son histoire quelque chose d’extraordinaire. En effet, Louis-Joseph Papineau est, pour les Canadiens français, un héros. C’est l’homme qui, pendant plus de 30 ans, durant une période politique dramatique qui va de 1791 à 1837, défendra haut et fort son peuple et ses droits. À cette époque, le gouvernement élu par le peuple n’avait pas la responsabilité ministérielle, car le vrai premier ministre était le gouverneur nommé par l’Angleterre qui désignait également les membres du Conseil exécutif et du Conseil législatif. Par conséquent, même majoritaires, les députés canadiens-français de l’époque ne pouvaient vraiment gouverner leur province. Les partis politiques comme nous les connaissons aujourd’hui n’existaient pas. Les députés canadiens-français élus se rangeaient derrière un chef, qui était élu orateur de la Chambre, et formaient le Parti canadien. Les députés anglophones de la classe dominante faisaient bloc derrière le gouverneur et la «clique du château» et formaient le Parti tory qui, malgré le fait que ses élus étaient minoritaires, exerçait le vrai pouvoir. C’est à cette époque
Weitere Kostenlose Bücher