Marcel Tessier racontre notre histoire
militaires seront envoyés outre-mer… plus de 41 000 seront tués, et 53 000 seront blessés ou portés disparus.
71 MAURICE DUPLESSIS
R aconter Maurice Duplessis dans un si court chapitre, c’est mission impossible. Le monument est tellement impressionnant, le personnage tellement énorme, qu’il prend toute la place dans les 20 années qui ont précédé les transformations profondes des années 1960. De nombreux historiens ont consacré des pages et des pages à la biographie de ce dieu de la politique québécoise. Robert Rumilly, Conrad Black, Leslie Roberts ont tous raconté la vie de cet homme adulé des uns, ses inconditionnels supporteurs, et honni des autres, qui ont surnommé son règne la «Grande Noirceur». J’essaierai tout de même, pour le bénéfice de ceux et celles qui s’éveillent à l’histoire, de situer le personnage le plus honnêtement possible.
UN FILS DE TROIS-RIVIÈRES
Maurice Le Noblet Duplessis voit le jour à Trois-Rivières le 20 avril 1890. Son père, Nérée, avocat, politicien, député de 1886 à 1900, maire de Trois-Rivières, juge à la Cour supérieure du Québec, est l’homme fort de sa ville. Son plus grand désir est que son fils lui succède en politique. Et Maurice, d’après sa sœur Jeanne, «n’a jamais eu l’idée de faire autre chose».
Il commence ses études dans une école privée de Trois-Rivières, chez une vieille célibataire anglaise. À la petite école, c’est un élève pas très studieux, espiègle et vantard. En 1898, il entre au Collège Notre-Dame, tenu par les Frères de Sainte-Croix. Il y reste jusqu’en 1902, va ensuite au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières et s’inscrit enfin à la faculté de droit de l’Université Laval, à Montréal. Il est reçu avocat en 1913.
Au Séminaire, il est faible en mathématiques mais fort en histoire, en philosophie et en littérature, raconte Leslie Roberts. Déjà la politique l’intéresse. Il défend la cause du nationalisme, mais rejette les «Laurentiens» de l’abbé Groulx. Premier de classe, travailleur acharné, il sait aussi profiter des plaisirs de la vie; il est le chef d’une bande de joyeux drilles qui ne se gênent pas, pour s’amuser, d’enfreindre les règles de l’époque.
À la faculté de droit, il s’assagit. Assidu à ses cours, sérieux, il découvre à ce moment sa ligne de pensée politique: celle du Parti conservateur. À l’été 1913, Maurice entre à l’étude de son père, s’allie à Léon Langlois, fonde l’étude Duplessis, Langlois et Lamothe et s’intéresse de plus près à la politique. Il saute dans la mêlée en 1923 comme candidat conservateur, mais il est défait par 284 voix.
Nullement découragé, il s’engage même au contraire de plus en plus en politique provinciale et prend du galon au sein de son parti. Les conservateurs sont faibles au Québec et c’est le petit tsar Taschereau, chef du Parti libéral, qui règne au Parlement. Aux élections de 1927, Duplessis se présente de nouveau et cette fois défait son adversaire par 126 voix. Le voilà lancé! Son sens de l’organisation, son style flamboyant et sa verve intarissable le font remarquer de tous. Il entre au Parlement le 10 janvier 1928. Ils ne sont que neuf conservateurs sur 85 élus. Le chef du Parti conservateur est Arthur Sauvé (le père de Paul, qui succédera à Duplessis en 1959). Il est bon de rappeler ici que les libéraux, sous la direction de quatre chefs consécutifs, sont au pouvoir depuis 1897. Duplessis ambitionne donc de sortir son parti de l’opposition.
DANS L’OPPOSITION
Le premier geste de Maurice Duplessis en Chambre: aller donner la main au premier ministre Taschereau. Lequel, ne croyant pas prédire l’avenir aussi justement, lance: «Surveillez bien ce jeune homme, il ira loin.» Ses biographes racontent qu’au séminaire, Maurice avait publiquement déclaré: «Je serai premier ministre, je mènerai cette province et Ottawa va écouter.»
Modeste en Chambre, il se fait félin sur les tribunes. Il fonce. Les libéraux le craignent. En 1930, Camillien Houde remplace Sauvé à la tête du parti. Ne se doutant pas de l’ambition de son jeune collègue, le nouveau chef lui laisse beaucoup de place et lui confie les travaux de routine. Battu aux élections de 1931, Houde conserve toutefois la direction du parti. Et c’est Maurice Duplessis qui prend sa place en Chambre comme leader de l’opposition.
Deux ans plus tard, le jeune lion
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