Marcel Tessier racontre notre histoire
provincial; il rejette de façon retentissante les subventions fédérales aux universités.
À L’HISTOIRE DE JUGER
Nous devons à Duplessis le drapeau québécois qui, pour lui, est un atout politique mais aussi une façon pour le Québec de narguer les fédéraux et d’afficher son autonomie. D’ailleurs, il est toujours en guerre contre la Cour suprême du Canada qui, selon lui, «penche toujours sur le même bord, comme la tour de Pise».
Nous pourrions parler de ce politicien des heures durant et noircir des tas de pages.
Finalement, Duplessis fera exactement ce qu’il reprochait aux libéraux de Taschereau. Sa passion politique et son goût effréné du pouvoir le rendront tyrannique, méchant et injuste. Il persécutera ses ennemis sans pitié. Il fera preuve de dureté et de malhonnêteté dans ses conflits avec les syndicats; la grève de l’amiante en est une preuve tangible. Il ne reculera devant rien, utilisant la police provinciale pour frapper, emprisonner et écraser ses adversaires. Même l’archevêque de Montréal, M gr Charbonneau, sera pulvérisé par celui qu’on a surnommé le «Chef».
À la fin de son règne, un scandale retentissant éclate: l’affaire du gaz naturel, étalée dans Le Devoir, qui salira ses ministres mais l’épargnera. Le 1 er septembre 1959, accompagné de Gérald Martineau, trésorier du parti, de Gérard Thibault, ministre sans portefeuille, de Maurice Custeau et de Lucien Tremblay, Duplessis est accueilli comme un héros à Schefferville. Il vient sur la Côte-Nord visiter les exploitations de l’Iron Ore Company. Malade, souffrant de diabète, il succombe à une série d’hémorragies cérébrales. Le 7 septembre, on annonce officiellement sa mort.
Le décès de Duplessis annonce le début de la Révolution tranquille. «Finie la dictature!» crient ses ennemis. À ceux qui l’accusaient d’agir en dictateur, il répondait: «Ce n’est pas être dictateur que d’être chef. Être chef, c’est être ferme, fort et courageux dans ses efforts pour apporter à son peuple la stabilité et la sécurité tant au foyer qu’au travail.»
72 LE DRAPEAU QUÉBÉCOIS
21 janvier 1948, 15 h. Moment historique: le drapeau bleu et blanc fleurdelisé flotte sur la tour centrale de l’édifice du parlement de Québec. Les quatre fleurs pointent vers le centre. En effet, ce n’est que 12 jours plus tard, le 2 février, que le dessin officiel du drapeau québécois, avec ses fleurs de lys bien droites, sera complété. Maurice Duplessis a insisté: «Les fleurs de lys pointeront vers le ciel, idéal de l’Union nationale.»
Nous devons en effet notre emblème à ce premier ministre, ce maître absolu du Québec de 1936 à 1939 et de 1944 à 1959. C’est l’Ordre de Jacques Cartier, un mouvement nationaliste secret mieux connu sous son nom de code, La Patente, qui part en campagne en faveur d’un drapeau distinctif pour le Québec. En effet, en 1947, l’OJC donne à toutes ses associations la consigne d’inonder les bureaux des députés et les journaux de lettres proclamant qu’il est temps pour le Québec de posséder «sa sainte étoffe». Un comité spécial est créé, ayant à sa tête Rosaire Morin, qui deviendra directeur de la revue L’Action nationale et se battra jusqu’à sa mort contre l’exode de nos capitaux. Plusieurs personnes importantes se groupent autour de lui et un comité est organisé. Le journal L’Action catholique adhère au projet. Plusieurs sections de la Société Saint-Jean-Baptiste suivent le mouvement. Rapidement, tout ce qui grouille au Québec saute dans le train: cercles Lacordaire et Jeanne d’Arc, conseils municipaux, commissions scolaires, Union des cultivateurs catholiques, ligues paroissiales du Sacré-Cœur, caisses populaires, scouts et guides, associations étudiantes, syndicats, institutions d’enseignement… Et comme le rapporte Lionel Groulx, «75 000 lettres individuelles se joignent aux organismes».
DES FLEURS, DES FEUILLES, DES ARMOIRIES
René Chaloult est un député nationaliste indépendant. Il se fait le porte-parole de tout ce beau monde. En 1946, il inscrit à l’Assemblée nationale une motion pour un drapeau «qui symbolise les aspirations du peuple de cette province». L’année suivante, le 2 décembre 1947, il récidive. La motion doit être présentée le mercredi 21 janvier 1948. Il rencontre Duplessis, que le modèle de drapeau suggéré par le chanoine Groulx et le député
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