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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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l’hiver.
    — Ici aussi, vous savez ! Non,
malheureusement, que ce soit ici ou ailleurs, un « Bho supérieur »
reste une vue de l’esprit. Ne vous faites pas d’illusions...
    — Je ne peux tout de même pas m’être trompé quant
au fait qu’ils préparent des festivités, wang. La parade du dragon, les
lanternes et tout ce qui s’ensuit est à l’évidence organisé pour le Nouvel An.
Tenez : on entend d’ici les gongs et les tambours !
    Nous étions tous deux assis, sirotant de l’arkhi dans
nos cornes, sur la terrasse de son palais transitoire d’où nous dominions la
cité de Ba-Tang.
    — Oui, je les entends... Pauvres moutons !
(Il remua la tête d’un air de commisération.) Il s’agit bien d’une fête du
Nouvel An, mais qui ne commémore aucune année nouvelle. Une épidémie s’est
abattue sur la ville. Ce n’est en fait qu’une banale affection des intestins,
assez commune ici durant la période estivale, mais nul potaïste n’est prêt à
croire que les choses arrivent par hasard. Aussi, dans leur immense sagesse,
les lamas du coin ont-ils décrété que la maladie était le fait des démons.
C’est pourquoi ils ont décidé de fêter le Nouvel An : ces derniers
penseront s’être trompés d’époque et s’en iront, emportant la dysenterie avec
eux.
    Je poussai un profond soupir et conclus,
accablé :
    — Décidément, vous avez raison : un Bho de
bon sens doit être aussi rare qu’un corbeau blanc.
    — De surcroît, les lamas étant fort remontés
contre moi, ils sont bien capables d’avoir songé à pousser les démons
jusqu’ici, espérant me chasser de ce potala.
    Ukuruji avait en effet réquisitionné la lamaserie pour
y établir son palais provisoire. À cette fin, il avait sommairement congédié
l’intégralité des lamas et des trapas qui s’y trouvaient, ne conservant que
quelques chabis comme serviteurs. Les religieux, me conta-t-il l’air réjoui,
abandonnant pour la première fois de leur vie la léthargie qui les
caractérisait, étaient partis en brandissant le poing, invoquant sur lui toutes
les malédictions dont Pota était capable. Mais le wang n’en était pas
moins depuis plusieurs mois installé confortablement dans les lieux. Il m’avait
alloué dès mon arrivée une jolie suite, et comme mes deux cavaliers d’escorte
avaient exprimé le vœu d’aller rejoindre nos éclaireurs et leurs camarades
mongols au bok, il avait aussi mis à mon service une petite équipe de
chabis. Ukuruji poursuivit :
    — Cela étant, il faut nous réjouir de ce Nouvel
An hors saison : c’est la seule fois dans l’année où les Bho nettoient
leur logement, lavent leurs vêtements et prennent un bain. Rendez-vous
compte : cette année, les Bho de Ba-Tang se seront lavés deux fois !
    — Pas étonnant que j’aie cru en arrivant avoir
affaire à des gens normaux, marmonnai-je. Comme vous dites, ajoutai-je,
réjouissons-nous. Et permettez-moi de vous féliciter, cher wang : vous
êtes bien le premier, pour une fois, à avoir enseigné à ces gens quelque chose
de plus utile que leur religion ! Rien que ce potala dans lequel
nous sommes est transfiguré depuis votre arrivée. J’ai déjà logé dans nombre de
lamaseries au To-Bhot ; mais un hall de chant aussi propre que celui-ci,
croyez-moi, tient de la pure révélation.
    Il jeta depuis la terrasse un coup d’œil dans la pièce
que je venais d’évoquer. L’ancienne caverne sinistre et obscure, ointe de son
infect beurre rance et du tapis d’immondices alimentaires qui la couvrait,
avait été débarrassée des volets qui empêchait le soleil d’y pénétrer. Le sol
avait été gratté et, depuis qu’on avait ôté les statues encroûtées de crasse,
dévoilait enfin ses belles dalles de marbre. Un chabi était du reste en train,
à la requête d’Ukuruji, de polir le sol, qu’il avait préalablement enduit d’une
graisse parfumée, en y traînant ses pieds chaussés de patins en peau de mouton.
    — Par l’heureux effet de leur soudaine propreté,
qui rendait enfin leurs visages visibles, j’ai eu le bonheur de discerner
quelques femelles tout à fait désirables. Même moi, qui ne suis pas un Bho, je
reconnais que certaines valaient bien les pièces qu’elles portent autour du
cou. Voulez-vous que je vous en fasse envoyer deux ou trois, pour réjouir votre
nuit ?
    Devant mon enthousiasme tout relatif, il
enchaîna :
    — Ne me dites pas que vous préférez l’une

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