Marco Polo
des
traînées tout habillées de cuir du bok !
Il compléta, plein de délicatesse :
— Il y a aussi, dans notre lot de chabis, deux ou
trois très jolis garçons, vous savez.
— Merci, wang. Je préfère les femmes, en
vérité. À choisir, je préfère être leur première pièce, si vous voyez ce que je
veux dire. Or ici, au To-Bhot, cela revient à choisir une femme dépourvue
d’attraits, tout sauf désirable. Aussi ne m’en veuillez pas de décliner votre
offre, dont je vous remercie ; je compte bien trouver un peu plus bas,
dans le Yunnan, quelques femmes Yi peut-être plus à mon goût.
— Je caresse le même espoir, fit-il pensivement.
Ma foi, le vieux Bayan va bien finir par revenir un jour de sa dernière
expédition dans ce territoire. Vous pourrez alors lui présenter la missive que
lui a adressée mon royal père, et si elle contient quelque nouvelle de mon
envoi dans le sud en compagnie de l’armée, je m’en réjouirai fort. En attendant
cette entrevue, n’hésitez pas à jouir de toutes les commodités de l’endroit.
Mon hôte, qui se signalait décidément par une
hospitalité sans bornes, dut se mettre immédiatement en quête d’une jeune fille
digne d’une jolie pièce contre l’octroi de ses charmes virginaux, car lorsque
je me retirai dans mes appartements, à l’heure du coucher, mes chabis
m’exhibèrent fièrement deux très jeunes petites personnes. Elles étaient
souriantes, leurs visages n’étaient pas barbouillé de sève, et elles arboraient
de pimpantes tuniques garnies de fourrure, toutes propres. Comme tous les Bho,
les fillettes ne portaient aucun sous-vêtement, ainsi que je pus le constater
lorsque les chabis soulevèrent avec la plus grande obligeance leur robe pour
que je puisse m’assurer du regard qu’il s’agissait bien de jeunes filles. À
l’aide de gestes et de bruits divers, ils m’enseignèrent les noms des deux
fillettes — Ryang et Odcho – et me firent comprendre qu’elles m’étaient
offertes comme compagnes de lit. Ne parlant par leur langue ni celle des
chabis, je tentai tant bien que mal, toujours par gestes, de m’enquérir de leur
âge. Odcho avait dix ans, Ryang à peine neuf.
Bien que ma réaction semblât stupéfier les chabis et
offenser les deux jeunes créatures, je ne pus m’empêcher d’éclater de rire.
Apparemment, si l’on voulait dénicher au To-Bhot une jeune vierge à peu près
regardable, il fallait vraiment s’intéresser à l’extrême jeunesse. C’était certes
assez distrayant, mais plutôt frustrant quant à mon désir d’apprécier des
caractères féminins dignes de ce nom. Nul moyen, on s’en doute, de distinguer
sur d’aussi jeunes filles le moindre signe des formes qu’elles pourraient avoir
plus tard, ni des talents dont elles sauraient peut-être un jour faire preuve.
De ce fait, je ne prétendrai pas avoir vraiment joui des charmes d’une femme de
ce pays, ni même avoir eu l’occasion d’en voir une dénudée. Je suis incapable
de témoigner (comme je l’ai assidûment fait jusqu’ici, dans la mesure du
possible, de femmes d’autres races) des détails physiques marquants ou des
excentricités sexuelles dont pourrait se prévaloir une femme de l’ethnie Bho.
La seule particularité qui me frappa fut que les deux
jeunes demoiselles possédaient toutes les deux au niveau du bas du dos, juste
au-dessus de la raie des fesses, une marque de naissance violacée sur leur peau
laiteuse, un peu plus foncée chez Ryang que sur sa compagne. Les jeunes filles
n’étant pas sœurs, je m’étonnai de cette coïncidence et, un jour, m’enquis
auprès d’Ukuruji de cette ressemblance, en lui demandant si toutes les femelles
Bho en étaient dotées.
— Tous les enfants, garçons et filles, me
répondit-il. Et pas seulement les Drok ou les Bho. Les Han, les Yi et même les
Mongols portent cette marque à la naissance. Vos nouveau-nés Ferenghi ne
l’ont donc pas ?
— Je n’ai jamais entendu parler de cela. Pas plus
chez les Persans que chez les Arméniens ou chez les Sémites, qu’ils soient
Juifs ou Arabes...
— Vraiment ? Nous autres Mongols les
appelons « taches du daim » car, comme celles des jeunes faons, elles
s’estompent l’âge venant. Passé dix, onze ans, elles ont en général disparu.
Encore une différence entre nous et les Occidentaux que vous êtes, pas vrai ?
Mais rien que de très insignifiant.
Quelques jours plus tard, l’orlok Bayan rentra
de son
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