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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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allumé des feux qui dégageaient des
fumées colorées et ne cessaient de geindre, hurlant d’invraisemblables
incantations. Tout cela avait un air furieusement funéraire, c’était
indéniable, mais certains aspects un peu particuliers durent m’être éclaircis.
Les guerriers avaient creusé la tombe d’Ukuruji en bordure immédiate des débris
de l’avalanche ; Bayan m’expliqua que cette position avait été choisie à
dessein. Elle serait ainsi, assura-t-il, indécelable à d’éventuels profanateurs
de sépultures.
    — Nous édifierons à terme un monument grandiose
au-dessus de sa tombe. Avant que la guerre soit achevée, des Yi pourraient fort
bien venir rôder dans cette vallée. Et s’ils ne trouvent pas l’endroit où
repose le wang, il leur sera impossible de mutiler son corps ou de
profaner sa tombe en urinant ou en déféquant dessus.
    On descendit cérémonieusement dans sa dernière demeure
la dépouille d’Ukuruji, puis on étendit par-dessus les Yi fraîchement tués et
les deux infortunées femmes Bho, sans oublier le cadavre de feu le ministre des
Races minoritaires. Pao s’était si horriblement contorsionné durant son agonie
qu’il fallut retarder l’inhumation de quelques instants, le temps que les
chamans lui brisent les os pour parvenir à l’allonger. Puis on procéda entre les
corps et l’entrée de la grotte à la construction d’une étrange structure en
bois, sur laquelle on accrocha des arcs et des flèches. Bayan m’en donna
l’explication :
    — C’est une invention de l’orfèvre Boucher. Nous
autres militaires ne méprisons pas les inventeurs. Regardez, les flèches sont
orientées de façon à viser l’entrée de la tombe. Les arcs, eux, sont tendus au
maximum sur ce râtelier construit tout exprès, lequel est actionné par des
leviers enterrés, très sensibles. Si des pillards venus gratter la terre les
faisaient réagir, le tir de barrage de ces flèches les clouerait sur place.
    Les fossoyeurs disposèrent sur la tombe un amas de
rochers si délibérément désordonné qu’elle fut bien vite complètement
dissimulée dans le reste des décombres, et la question fusa :
    — Comment retrouverez-vous la tombe, avec tous
ces efforts pour la rendre invisible, lorsque vous entamerez la construction du
monument funéraire ?
    Bayan se contenta de tourner la tête, et je suivis son
regard. Quelques gardes avaient amené là l’une des juments de leur troupeau
tenue au bout d’un licol, accompagnée de son poulain encore tout jeune. Tandis
que certains maintenaient fermement le licol, on éloigna le poulain de sa mère
jusque sur le sommet de la tombe. La jument commença à se cabrer furieusement,
à hennir et à se débattre, mouvements qu’elle intensifia encore en voyant les
hommes qui tenaient son petit brandir une hache au-dessus de sa tête et lui
fendre le crâne. On éloigna la jument qui tapait rageusement du pied en
s’ébrouant de rage et de désespoir, tandis que les fossoyeurs répandaient de la
terre autour de la carcasse. Bayan conclut :
    — Voilà. Lorsque nous reviendrons ici, dans deux,
trois ou cinq ans, nous n’aurons qu’à lâcher cette jument à proximité :
elle nous mènera directement à l’aplomb de ce site.
    Il fit une pause, grinçant pensivement de ses dents
gigantesques, et reprit :
    — Maintenant, Polo, bien que vous méritiez
l’essentiel des lauriers dans l’accomplissement de cette victoire, elle a été
si totale qu’il n’en subsiste pour vous aucun butin à piller, et je trouve cela
déplorable. Quoi qu’il en soit, si vous décidez de continuer à chevaucher à nos
côtés, nous dirigerons nos pas vers Yunnanfu, et je peux vous promettre que
vous serez parmi les premiers officiers à pouvoir vous y servir. C’est une cité
vaste et prospère, paraît-il, et les femmes Yi ne sont pas repoussantes. Qu’en
dites-vous ?
    — Votre offre est généreuse, orlok, et
assez alléchante, je ne le nie pas. Je suis très honoré, croyez-le bien, de cette
délicate attention. Mais je crois qu’il est de mon devoir de résister à la
tentation et de courir référer au khakhan de toutes ces nouvelles, tant bonnes
que mauvaises. Je partirai dès demain, quand vous ferez route vers le sud.
    — Je n’en ai jamais douté. Je savais que vous
étiez un homme de devoir. C’est pourquoi j’ai déjà dicté à un scribe une lettre
pour que vous puissiez la remettre à Kubilaï. Elle est soigneusement

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