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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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de ses cornes
aiguës, car l’instant d’après elle était morte. Mon couteau perça sa peau et
pénétra ses chairs, et comme j’avais pressé sur le manche en assénant le coup,
je la frappai de trois lames en même temps. Le dernier plongeon du sanglier me
transporta à quelques mètres de distance, puis ses pattes faiblirent et nous
roulâmes au sol.
    Je me relevai prestement, craignant que l’animal ne me
charge dans un élan désespéré. Ce ne fut que lorsque je le vis demeurer
immobile, perdant abondamment son sang, que j’osai m’avancer pour arracher mon
couteau de la plaie et, reprenant ma flèche au passage, je les essuyai sur ses
poils épineux. Lorsque je repliai mon couteau et le glissai dans son étui, je
remerciai une fois encore le passé, et l’endroit lointain où il m’était échu.
Puis je me tournai pour décocher un regard peu amène vers l’éléphant et son mahawat. Assis sur l’encolure, il m’observait bouche bée, les yeux emplis de respect
et sans doute d’un brin d’admiration. Quant à l’éléphante, elle se contentait
de se balancer doucement d’un pied sur l’autre, me couvant d’un air féminin
très satisfait d’elle-même, comme pour me signifier : « C’est
parfait. Tu as fait ce qu’on attendait de toi ! » Aux pieds du dragon
qui l’avait capturée, tout juste occis par la lance de saint Georges, la
princesse délivrée ne regarda sans doute pas autrement son sauveur.

 
21
    De retour au palais de Xan-du, Kubilaï m’emmena en
promenade dans les jardins tandis que les cuisiniers nous préparaient pour le
repas du soir la viande de nos sangliers... mon trophée personnel, mais aussi
quelques autres rapportés par des chasseurs de la troupe qui en étaient venus à
bout d’une distance moins risquée. L’après-midi déclinait doucement vers le
crépuscule. Le khakhan et moi nous trouvions près d’un pont inversé, posé au
bord d’un lac artificiel de taille respectable. Une petite cascade
l’alimentait, et le pont était bâti juste en face. Mais au lieu d’être une
arche convexe, comme à l’ordinaire, celui-ci avait une forme concave, en
U ; ses escaliers descendaient donc depuis les rives vers le centre proche
de l’écume qui flottait au pied de la cataracte.
    J’admirai un moment le spectacle puis me tournai pour
contempler le lac, tandis que Kubilaï parcourait la lettre de l’orlok Bayan
que je lui avais donnée à lire avant que la lumière ne faiblît trop. C’était
une douce soirée automnale. Au-dessus de l’eau flottaient sous un ciel bleu de
glace les lointains nuages enflammés du soleil couchant, au milieu de l’écrin
sombre des cimes d’arbres qui enserraient le lac : un décor si net qu’il
semblait avoir été découpé dans un papier de soie noire, tendu de part et
d’autre. La surface liquide, lisse tel un miroir, ne reflétait que les arbres
obscurs et l’azur céleste. Seuls quelques canards d’ornement s’y baignaient et,
reflétant l’or des nuages, le sillage mouvant de leur nage dessinait sur
l’étendue céruléenne comme une traîne de flammes brûlantes.
    — Ainsi, Ukuruji est mort, soupira Kubilaï en
froissant le papier. Mais une grande victoire a été remportée, et le Yunnan
tout entier capitulera bientôt. (Ni le khan ni moi ne pouvions alors le savoir,
mais les Yi avaient déjà rendu les armes, et un messager arrivait à bride
abattue de Yunnanfu, porteur de la nouvelle.) Bayan écrit que tu me donneras
les détails, Marco. Mais dis-moi, mon fils est-il mort dignement ?
    Je lui contai tout, lui expliquant comment nous avions
utilisé une armée factice de Bho en lieu et place de la nôtre, louant
l’efficacité redoutable des sphères de cuivre et contant comment la bataille
s’était réduite à deux combats singuliers d’homme à homme, dont l’un m’avait vu
sortir vainqueur, tandis que l’autre avait été fatal à son fils Ukuruji. Je
terminai par la capture et l’exécution du traître Pao Nei-ho. M’apercevant que
le sceau que je lui avais apporté comme témoin était resté dans l’un de mes
sacs de selle, je ne le mentionnai point ; mais le khakhan n’avait pas
besoin de ce genre de preuve.
    J’ajoutai, peut-être avec un brin de nostalgie :
    — Je vous prie de m’excuser, Sire, d’avoir dû
négliger les préceptes de votre grand-père Gengis.
    — Uu ?
    — J’ai immédiatement quitté le Yunnan, Sire, afin
de vous porter les nouvelles. Je n’ai donc

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