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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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dilatée de stupéfaction, tandis qu’une frayeur mortelle figeait
soudain ses traits.
    — Marshallah ! s’étrangla-t-il.
Maître, c’est comme si les morts renaissaient à la vie ! Il s’agit de
votre ancienne servante... Buyantu !
    Dès que son nom jaillit, elle cessa de lutter,
semblant s’abandonner à une maussade résignation. Je relâchai mon étreinte et
la contournai pour scruter son visage dans ce qui restait de lumière
crépusculaire. Elle n’avait rien d’une revenante. Ses traits étaient aussi
durs, tendus et froids que dans mon souvenir, d’abondants fils argentés
parcouraient sa noire chevelure, et ses yeux brillaient comme deux fentes de
défi. Ali la regardait toujours avec une consternation circonspecte, et ma voix
n’avait pas regagné toute sa fermeté lorsque je lui intimai :
    — Dis-nous tout, Buyantu. Je suis heureux de te
voir au nombre des vivants, mais par quel miracle as-tu survécu ? Est-il
possible que Biliktu s’en soit tirée, elle aussi ? Quelqu’un est
pourtant bien mort, quand mes appartements ont explosé. Et que fais-tu là, au
Pavillon de l’Écho ?
    — De grâce, Marco, fit Ali d’une voix encore plus
chevrotante que la mienne. Chaque chose en son temps... D’abord, où est
Mar-Janah ?
    Buyantu lâcha, sifflante :
    — Je ne parlerai pas à un vil esclave !
    — Ce n’est plus un esclave, précisai-je posément.
C’est un homme libre qu’on a privé de sa femme. Elle aussi est une femme libre,
et celui qui l’a enlevée risque une exécution pour félonie.
    — Rien ne me force à croire ce que vous me
racontez. Et je ne parlerai pas à un esclave.
    — Réponds-moi, alors. Tu ferais mieux de te
délester de ton fardeau, Buyantu. Je ne puis te promettre aucun pardon pour ta
félonie, mais si tu nous avoues tout et si Mar-Janah nous est rendue saine et
sauve, ta punition pourrait être plus douce qu’une exécution.
    — Je crache sur votre pardon et sur votre
douceur ! jeta-t-elle d’un ton sauvage. Les morts ne peuvent être
exécutés. Et je suis morte dans cette calamité !
    Les yeux et la narine d’Ali s’agrandirent de nouveau,
et il recula d’un pas. Je fis de même, je l’avoue, tant ses paroles résonnaient
avec un terrifiant accent de sincérité. Mais je gardai contenance et l’attrapai
d’une poigne ferme, la menaçant d’une apostrophe impérieuse :
    — Parle !
    Toujours butée, elle se contenta de répéter :
    — Jamais devant un esclave.
    J’aurais pu la secouer jusqu’à ce qu’elle s’exécutât,
mais cela aurait peut-être pris toute la nuit. Je me tournai donc vers Ali et
lui fis cette suggestion :
    — Cela pourrait accélérer les choses si tu
t’absentais, et la rapidité, ici, peut s’avérer vitale.
    Soit il perçut clairement le sens de mes paroles, soit
il n’était pas fâché de fausser compagnie à une créature surgie d’entre les
morts. Toujours est-il qu’il opina du chef, aussi ajoutai-je à son
intention :
    — Attends-moi dans ma chambre. Assure-toi qu’on
m’a bien rendu mes anciens appartements et qu’ils sont habitables. Je te rejoindrai
dès que j’aurai recueilli une information utile. Fais-moi confiance.
    Dès qu’il eut quitté la colline et fut hors de portée
d’oreille, je m’adressai de nouveau à Buyantu.
    — Parle, maintenant. Mar-Janah est-elle
sauve ? Est-elle toujours en vie ?
    — Je l’ignore, et je n’en ai cure. Nous autres
défunts n’avons nul égard ni pour les vivants, ni pour les morts.
    — Je n’ai pas de temps à perdre avec tes
boniments. Dis-moi ce qui est arrivé.
    Haussant les épaules, elle répliqua, l’air
sombre :
    — Ce jour-là... tu m’as envoyée requérir un
entretien avec le khakhan. Quand je suis revenue, je t’ai trouvé avec ma... je
t’ai trouvé couché avec Biliktu dans ton lit. Cela m’a mise en rage, comme tu
as pu le voir. Tu nous as ensuite laissées seules, avec pour instruction
d’entretenir le feu sous un certain pot. Tu ne nous as pas dit que cela pouvait
être dangereux, et je n’ai eu aucune suspicion à ce sujet. Étant toujours dans
une colère noire, j’ai laissé Biliktu veiller sur le feu et suis allée
retrouver le ministre Ahmad qui me payait depuis longtemps pour te surveiller.
    Même si je le savais déjà, je dus laisser échapper
quelque interjection de dépit, car elle hurla :
    — Ne fais pas le fier ! N’essaie pas de me
faire croire que tu ne manges pas de ce pain-là.

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