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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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Kubilaï, qui avait entendu, signifia d’un
hochement de tête son assentiment, et un garde sortit en trombe. Pendant ce
temps, un brouhaha s’éleva du côté des ministres, mêlant arguments et
protestations, dans lequel je ne pus saisir que cette remarque, solennelle :
« C’est trop scandaleux pour être vrai. »
    — Notez qu’un précédent a déjà eu lieu, fit
remarquer l’un d’eux. Souvenez-vous, il y a quelques années, quand notre khanat
a acquis la Cappadoce suite à une ruse assez semblable. Un ministre tout aussi
fidèle de la province seldjoukide de Turquie s’était secrètement allié à notre
ilkhan de Perse, Abagha, pour l’aider à renverser le roi légitime, Kilij. Une
fois la trahison consommée, la révolte a permis d’annexer la Cappadoce à notre
khanat.
    — C’est vrai, admit un autre. Mais, par bonheur,
à l’époque, Abagha ne conspirait pas pour son compte ; il ne visait qu’à
étendre le khanat de son khakhan Kubilaï.
    — Voilà le Maître des Sceaux.
    Pressé par le garde, le vieux maître Yiu entra, tout
essoufflé, et se fit remettre le document. Il n’eut qu’à y jeter un bref coup
d’œil pour se prononcer, catégorique :
    — Je ne saurais méconnaître le travail de mes
mains, nobles seigneurs. C’est bien le yin que j’ai gravé pour le
ministre des Races minoritaires, Pao Nei-ho.
    « Tiens donc ! » laissèrent fuser
plusieurs. « Voilà ! » « Je vous l’avais dit, tout est
vrai ! » « Plus question de douter, maintenant ! »
Tous étaient tournés vers Kubilaï. Celui-ci inhala une grande bouffée d’air,
puis l’expira lentement avant de faire vibrer l’espace, de sa voix
retentissante, d’un tonnant : « Gardes ! » Ceux-ci se
figèrent et firent claquer leurs lances au sol, à l’unisson. « Allez
requérir la présence immédiate du Premier ministre Ahmad az-Fenaket. » Un nouveau
claquement de lances ponctua son ordre, et ils allaient s’ébranler, lorsque
Kubilaï les arrêta du geste et, se tournant vers moi :
    — Marco Polo, il semble que tu aies à nouveau
rendu un service notable à notre khanat... bien que ce soit par hasard, cette
fois.
    Ces mots ne contenaient que louanges, on ne pouvait
s’y méprendre. Cependant, on eût pu croire, à l’expression qu’arborait son
visage, que j’avais ramené dans ce hall un chien pouilleux sur mes talons.
    — Il faut que tu mènes cela à bonne fin, Marco.
Tu vas accompagner mes gardes et prononcer toi-même devant le Premier ministre
la formule consacrée : « Lève-toi et suis-moi, homme mort, car
Kubilaï, le khan de tous les khans, aimerait entendre tes dernières
paroles. »
    J’y allai donc. Mais le khakhan ne m’avait pas ordonné
de revenir au Cheng en compagnie de l’Arabe, et, on le verra, ce ne fut pas le
cas. Lorsque, en compagnie de ma troupe de gardes, je parvins devant les
appartements d’Ahmad, nous trouvâmes les portes extérieures grandes ouvertes et
non gardées. Nous entrâmes et découvrîmes ses sentinelles et ses domestiques
rassemblés là dans une attitude attentive et anxieuse, tous se tordant les
mains d’inquiétude, à l’extérieur de la porte close de sa chambre. Dès qu’ils
nous virent arriver, ils nous fêtèrent d’une vaste clameur de bienvenue,
remerciant Tengri ou louant Allah, et il nous fallut un moment pour parvenir à
les calmer afin d’en tirer un compte rendu cohérent de ce qui était en train de
se passer.
    Le wali Ahmad, expliquèrent-ils, n’était pas
sorti de sa chambre de toute la journée. La chose se produisait parfois,
dirent-ils, car il lui arrivait à l’occasion de garder avec lui du travail à
finir et de le reprendre le lendemain au réveil, après avoir déjeuné, pour s’y
consacrer au lit, installé confortablement. Mais ce jour-là, on avait commencé
à entendre sortir de la chambre certains bruits plutôt extraordinaires, et au
terme d’une hésitation bien compréhensible, une esclave avait frappé à la porte
pour demander si tout allait bien. La voix qui lui avait répondu était bien
celle du wali, mais inhabituellement haut perchée et très nerveuse, elle
avait juste glapi : « Laissez-moi être ! » Les sons que
l’on nous avait décrits se poursuivaient : on entendait pouffer, et cela
dégénérait en éclats de rire, puis des vagissements et des sanglots s’enflaient
jusqu’à devenir des gémissements et des grognements, puis cela riait de
nouveau, et ainsi de

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