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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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là, assis
sur la pierre froide et humide du sol. Il était de nouveau grimé dans son
hideux déguisement de « femme » vert pâle et semblait, si possible,
encore plus hagard et dérangé que le wali. Du moins n’était-il pas
souillé de liquides corporels, ni ensanglanté. Il apparaissait assez clairement
que, quel que fut le rôle qu’il avait joué dans l’orgie déclenchée par le
philtre d’amour, il n’avait guère été actif. Il ne sembla pas me reconnaître,
mais ne m’opposa aucune résistance quand je le pris par le bras et commençai à
avancer avec lui le long du passage. Il poursuivit tranquillement :
    La virtù te fa belo anca déforme,
    La virtù te fa vivo anca sepolto [21] ...
    Bien que je n’eusse jamais emprunté ce corridor secret,
je connaissais suffisamment le palais pour me faire une idée de l’endroit où il
débouchait. Matteo ne cessa tout du long de glorifier, en chantant à voix
basse, les mérites de la Vertu. Nous dépassâmes de nombreuses autres portes
closes dans le mur, mais je tenais à nous éloigner suffisamment avant de
prendre le risque d’en ouvrir une afin de jeter un coup d’oeil dehors.
    Celle-ci donnait sur un jardinet proche de l’aile du
palais dans laquelle nous logions. Je tentai de faire taire Matteo tandis que
je l’attirais au jour, mais sans succès. Il semblait enfermé dans un autre
monde et n’aurait sans doute rien remarqué si je l’avais traîné dans l’eau du
bassin planté de lotus. Par bonheur, il n’y avait personne alentour, et je
pense que nous regagnâmes sa chambre sans avoir été vus de quiconque. Arrivés
là, en revanche, je n’eus d’autre possibilité, ignorant la voie d’accès à sa porte dérobée personnelle, d’entrer par l’issue habituelle. Nous fumes
accueillis par la servante rencontrée la veille, et c’est avec une certaine
joie, teintée d’une légère surprise, que je notai qu’elle ne paraissait
nullement choquée de l’accoutrement pour le moins grotesque de son maître. Elle
semblait lasse et attristée, comme profondément apitoyée, lorsqu’il se pencha
vers elle pour lui fredonner langoureusement :
    La virtù è un cavedàl che sempre è rico,
    Che no patisse mai rùzene o tarlo [22] ...
    — Votre maître est tombé un peu malade,
signifîai-je en substance à la jeune femme, incapable pour l’instant de trouver
meilleure explication à son état.
    Je n’étais du reste guère éloigné de la vérité.
    — Je vais prendre soin de lui, répliqua-t-elle
d’un ton de calme compassion. Ne vous en faites pas.
    ... Che sempre cresse e no se pol robarlo,
    E mai no rende el possesòr mendico [23] .
    C’est avec soulagement que je l’abandonnai entre ses
mains. Et autant le dire tout de suite, c’est entouré de sa tendre sollicitude
que Matteo demeura ensuite fort longtemps, car jamais il ne retrouva la raison.
    Cela avait ma foi été une dure journée, la veille
ayant été peut-être pire encore, et j’avais passé entre les deux une nuit
blanche. Je me traînai donc péniblement jusqu’à ma chambre afin de prendre
enfin du repos, de profiter à mon tour de la prévenance de mes servantes et de
la jolie Hui-sheng, tout en tenant compagnie à Ali Baba que je regardais
s’étourdir dans les vapeurs d’alcool et oublier un peu son chagrin.
    Je ne revis jamais Ahmad. Il fut successivement et
dans la même journée accusé, jugé, reconnu coupable et condamné, et je ne
m’étendrai guère plus sur son cas. Je n’en ai pas la moindre envie, d’autant
que cette victoire, qui étanchait ma soif de vengeance, se solda en dépit de
tout par une nouvelle perte pour moi.
    Depuis lors, et c’était il y a bien longtemps, jamais
je n’ai éprouvé le plus léger remords d’avoir causé la perte d’Ahmad az-Fenaket
en utilisant une fausse lettre, ni de l’avoir impliqué dans un forfait qu’il
n’avait pas commis. Il s’était rendu coupable d’assez de crimes authentiques,
et ses vices étaient avérés. À bien y réfléchir, le faux document que nous
avions utilisé aurait fort bien pu faire long feu, sans la nature perverse de
l’Arabe qui l’avait conduit à avaler ce philtre d’amour avec Matteo. Il avait émergé
très affaibli de sa profonde hallucination, qui avait brouillé sa perspicacité,
émoussé sa finesse d’esprit et noué sa langue de serpent. N’ayant pas été aussi
gravement atteint par l’expérience que mon oncle – l’Arabe m’avait au moins
reconnu

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