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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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régions et des
provinces, ces hommes les examinent, les analysent un peu comme on le ferait
d’un métal précieux et, selon leur beauté, leurs mensurations, leur teint, leur
voix, leur chevelure, mais aussi leur grâce, leur gaieté et autres qualités,
elles seront estimées à quatorze carats, à seize ou à dix-huit. On n’envoie jusqu’ici,
à Khanbalik, que celles qui atteignent seize carats, et seules celles qui sont
évaluées au plus haut degré de finesse et de pureté de l’or, soit vingt-quatre
carats, peuvent espérer rejoindre le grand khan.
    Bien que Chingkim n’ait pu entendre les pas silencieux
de ma servante, il leva la main, et la soubrette arriva juste à temps pour
déposer le gobelet dûment rempli entre ses doigts. Cette simultanéité ne sembla
pas le surprendre le moins du monde, comme s’il avait été certain qu’il en
serait ainsi, et, après avoir repris une gorgée, il continua :
    — Cependant, même les quelques femmes notées à
vingt-quatre carats doivent d’abord vivre un certain temps au palais en
compagnie de leurs homologues plus âgées. Celles-ci en profitent pour les
étudier de façon plus approfondie, en portant une attention particulière à leur
attitude durant la nuit. Leur arrive-t-il de ronfler ou de remuer ? Au
réveil, ont-elles les yeux brillants, l’haleine douce ? Ce n’est qu’après
avoir pris connaissance des recommandations de ces femmes mûres que mon père
sélectionne celles qu’il veut pour concubines au cours de l’année à venir et
celles qu’il réserve à son service. Il distribue le reste, en fonction de leur
valeur estimée en carats, aux grands seigneurs, aux ministres et aux favoris de
sa cour, selon leur rang. Tu peux te féliciter, Marco, d’être soudain placé à
un assez haut degré dans la hiérarchie pour mériter ces vierges à vingt-deux
carats !
    Il fit une pause et rit de nouveau :
    — À dire vrai, j’ai un peu de mal à comprendre ce
que tu as fait pour cela, hormis traiter des gens à qui tu devais le respect de
Kalmouks et de bâtards. J’espère que les autres membres de la cour ne vont pas
se mettre à imiter ta façon de parler dans l’espoir de bénéficier des mêmes
faveurs.
    Je me raclai la gorge et demandai :
    — Tu m’as expliqué que les jeunes filles venaient
de partout. Avais-tu des raisons particulières de choisir pour moi des filles
de race mongole ?
    — Là encore, ce sont les instructions de mon
père. Tu parles déjà fort bien notre langue, mais il désire que tu atteignes
une aisance parfaite. Et, c’est bien connu, les conversations sur l’oreiller
constituent le moyen le plus sûr et le plus rapide pour acquérir parfaitement
une langue. Pourquoi me demandes-tu cela ? Aurais-tu préféré des femmes
d’une autre origine ?
    — Non, non, répondis-je en hâte. Les Mongoles
font justement partie des femmes que je n’ai pas encore eu l’occasion de...
euh, d’analyser. J’attends cette expérience avec intérêt. Je suis très honoré,
Chingkim.
    Il haussa les épaules.
    — Elles sont à vingt-deux carats. Presque
parfaites.
    Après avoir vidé de nouveau son verre, il se pencha en
avant et me confia d’un air soudain sérieux, me parlant en farsi pour que les
servantes ne puissent en comprendre un mot :
    — Nombreux sont les seigneurs d’ici, Marco, même
de rang très élevé, à n’avoir jamais été honorés à plus de seize carats par le
khan Kubilaï. Je te conseille de bien t’en souvenir. Toute communauté de palais
est une fourmilière qui grouille d’intrigues et de conspirations, à commencer
par les petits pages ou les plongeurs d’arrière-cuisine. Beaucoup à la cour
seront profondément irrités qu’un jeune homme comme toi n’ait pas été
assigné, justement, au niveau subalterne que je viens d’évoquer. Nouvel
arrivant, tu es un Ferenghi de surcroît, cela suffirait déjà amplement à
te rendre suspect à leurs yeux. Or, soudain et de façon incompréhensible à
leurs yeux, tu as été distingué. Depuis cette nuit, tu es devenu une sorte
d’usurpateur, un intrus, la cible de leur jalousie et de leur mépris.
Crois-moi, Marco. Personne ne te donnerait cet avertissement fraternel, et, si
je le fais, c’est que je suis le seul qui le puisse. Second seulement de mon
père, je suis le seul peut-être de tout le khanat à ne pas envier sa position, ni
craindre qu’il ne distribue ses faveurs à tel ou tel. Pour tous les autres,

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