Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
douleur dans l’élaboration de paroles de condamnation
définitives et d’ordres impérieux. S’il avait eu le temps de proférer ces mots,
je le sais à présent, jamais il ne les aurait rétractés. Rien n’aurait pu
atténuer mon offense, ni modérer ma sentence méritée ; les gardes
m’auraient traîné vers le Caresseur, et la façon dont j’aurais été exécuté
serait devenue légendaire dans Kithai. Mais comme la figure de Kubilaï
continuait à travailler, signe évident qu’il venait de considérer une première
réplique comme trop tendre et en étudiait une autre bien plus terrible, j’eus
le temps de placer la fin de ce que je voulais exprimer :
    — Pourtant, dès que retentit le tonnerre, Sire,
l’ilkhan Kaidu invoque votre nom en guise de protection contre la rage de
l’enfer. Il le fait à voix basse, dans un soupir, mais j’ai pu lire votre nom
sur ses lèvres, Sire, et ses guerriers m’ont confié qu’il agissait bien ainsi.
Si vous en doutez, Sire, vous pourrez interroger à ce sujet les deux gardes
qu’il nous a octroyés pour nous escorter, les guerriers Ussu et Donduk...
    Ma voix s’éteignit dans le silence étouffant qui
prévalait encore. J’entendis alors distinctement le goutte-à-goutte de quelque kumis ou pu-tao que lâchait un serpent dans le vase léonin où il se
déversait. Dans ce calme impressionnant où le souffle de chacun semblait
suspendu, Kubilaï garda dardés sur moi ses yeux noirs, mais son visage cessa
lentement de se torturer et devint bientôt fixe comme la pierre, tandis que la
coloration qui l’avait enflammé s’évanouissait. Enfin, il articula dans un
murmure, mais que toute l’assistance put entendre :
    — Kaidu invoque mon nom lorsqu’il est effrayé...
Par le puissant dieu Tengri, cette seule information est plus importante à mes
yeux que six toman de mes meilleurs et plus loyaux cavaliers !

 
3
    Je repris conscience le lendemain après-midi, sur un
lit de la suite de mon père, avec une tête dont j’aurais presque souhaité
qu’elle eût déjà été tranchée par le Caresseur. La dernière chose dont
je parvenais à me souvenir, au sujet du banquet, c’était lorsque le khakhan avait
rugi à l’adresse du wang Chingkim :
    — Occupez-vous du jeune Polo ! Qu’on lui
donne des appartements particuliers ! Et des servantes à vingt-deux
carats !
    Cela m’avait paru fort gentil de sa part, mais le voir
m’offrir d’immobiles soubrettes en métal, même de l’or le plus pur, me semblait
dénué de tout bon sens, aussi préférai-je croire que Kubilaï était aussi saoul
que je l’étais alors, comme Chingkim et tous les autres.
    Toujours est-il qu’une fois que les deux servantes de
mon père nous eurent aidés à nous lever, à nous baigner et à nous habiller,
nous apportant ensuite à chacun une potion pour nous soulager un peu la tête
(un breuvage aromatique épicé, mais si lourdement corsé de mao-tai que
je ne pus l’avaler), Chingkim se présenta, et elles tombèrent à ses pieds dans
un ko-tou respectueux. Le wang, apparemment guère plus frais que
moi, poussa gentiment du pied les deux corps prosternés sur son passage et
m’annonça qu’il était venu, conformément aux ordres, me conduire dans la
nouvelle suite qu’on m’avait allouée.
    Tandis que nous nous y rendions – ce n’était pas loin,
le long du hall sur lequel donnaient les appartements de mon père et de mon
oncle –, je remerciai Chingkim de sa délicate attention et, cherchant à être
poli même envers ce fonctionnaire subalterne mis à mon service,
j’ajoutai :
    — Je ne vois pas pourquoi le khakhan vous a
choisi pour veiller à mon confort. Après tout, vous êtes le wang de la
ville, un personnage officiel d’une certaine importance. Selon moi, les invités
du palais devraient être confiés à un majordome. Il me semble qu’il y en a,
dans ce palais, autant que de mouches sur un bouddhiste.
    Il émit un petit rire, pas trop long afin de ne pas
trop solliciter sa pauvre tête, et répondit :
    — Je ne dédaigne pas m’occuper de ce genre de
tâche, à l’occasion. Mon père pense qu’un homme ne peut commander efficacement
que lorsqu’il a appris à obéir lui-même au moindre commandement.
    — Votre père semble s’en remettre aussi facilement
que le mien aux dictons les plus sages, fis-je sur un ton d’amicale
complaisance. Qui est votre père, Chingkim ?
    — L’homme qui précisément m’a donné cet

Weitere Kostenlose Bücher